lundi 20 décembre 2010

Chaque geste compte

Des ordinateurs vraiment bien connectés

Au dernier étage de la Direction centrale du renseignement intérieur, des pirates du contre-espionnage sont à l’écoute. Non pas de vous, mais de vos ordinateurs.

La salle de « tous les secrets » se situe au dixième et dernier étage du 84 rue Villiers à Levallois-Peret. Bien au chaud, les pirates de la DCRI peuvent se connecter sur n’importe quel ordinateur. Un courriel envoyé, un article rédigé, un site visité ? Un simple logiciel espion permet de tout consulter en temps réel. Même les conversations téléphonique via internet avec le logiciel Skype est « écoutable » avoue une petite oreille de la DCRI.

« Tout cela est très simple, reconnaît l’un de ces collègues officiers formé à l’école de la DST. Il suffit de se connecter sur le flux d’Internet. C’est d’ailleurs moins lourd techniquement que de procéder à des écoutes téléphoniques classiques. C’est même moins contraignant juridiquement ». En gros, on peut se passer de l’autorisation de la Commission nationale des interceptions de sécurité (Cnis). Pourtant, comme les banales écoutes téléphoniques d’antan, la surveillance informatique est soumise aux mêmes règles. Selon un expert, la Cnis a accordé l’an passé, environ 5000 interceptions informatiques. Loin derrière les écoutes de portables (28 000) ou téléphone fixe (8000). « Mais, reconnaît un hacker de la DRCI, la plupart du temps, on travaille ‘off ‘ directement avec un fournisseur d’accès à internet. On lui demande gentiment l’adresse informatique de l’ordinateur à ausculter. On se branche et personne ne sait rien… ».

La technologie, relativement nouvelle, laisse penser aux hommes de loi qu’elle n’est pas totalement maitrisée par les pirates. Et aux piratés potentiels que leurs ordinateurs sont inviolables. Un laisser-aller dont les contre-espions profitent… Cela dit, les barbouzes de la DCRI ou de n’importe quelle officine ont de plus en plus de mal à ouvrir la porte d’un ordinateur. D’abord, parce qu’ils redoutent que leurs intrusions ne soient repérées, surtout lorsque les serveurs informatiques sont blindés niveau sécurité comme c’est le cas dans certains journaux. Ensuite, parce que les pirates ne trouvent pas toujours la porte d’entrée. Les petits malins, journalistes comme terroristes, disposent en effet de moyens très simples pour empêcher toutes intrusions abusives. Il leur suffit de chiffrer leurs conversations. Des logiciels de cryptographie qui garantissent confidentialité et intégrité des échanges sont disponibles gratuitement sur la toile. « On finit par y arriver, selon un expert de la DRCI. Mais cela peut prendre du temps. »

Cela explique peut-être pourquoi récemment, plusieurs rédactions et domiciles de journalistes ont été « visités ». Ce qui n’empêche pas un grand chef de l’Intérieur de souligner : « Voler un ordi, c’est ridicule… Vous croyez qu’on en a besoin pour savoir ce qu’il y a dedans ? »…

samedi 18 décembre 2010

Une sécurité informatique pas toujours au TOP

Ce n’est pas toujours des hackers chevronnés qui découvrent des failles de sécurité informatiques. Parfois, des internautes à peine plus dégourdis que la moyenne compromettent la sécurité des données confidentielles de grandes sociétés comme SFR ou EDF.

Il suffisait d’être client de SFR Business Team, le service de téléphonie mobile réservé aux entreprises, pour accéder aux données confidentielles des autres abonnés de ce service. Cela fait pas mal de monde, et même du beau monde, puisqu’on y trouve de grandes sociétés, certaines œuvrant dans des domaines « sensibles », mais aussi quelques administrations et même des services de renseignement.

C’est un peu par hasard qu’un jeune internaute, qui disposait, par relation familiale, un compte SFR Business, est parvenu à franchir toutes les barrières en quelques simples clics. Un site spécial permet à tout abonné de consulter ses factures, actuelles ou passées, de vérifier les communications et les appels des différents portables figurant sur ce compte professionnel, avec le nom des utilisateurs et leur numéro. Pour se connecter, il faut montrer patte blanche, en fournissant un identifiant et un code d’accès. Mais tout se gâte lorsque notre internaute a l’idée de modifier un chiffre dans le numéro de la facture qu’il consulte. Et de demander à l’ordinateur de l’afficher. Sans broncher, et sans exiger le moindre mot de passe, le système, en principe hautement sécurisé, s’exécute : les informations d’un autre abonné s’affichent sur l’écran.

Vous l’aurez deviné, une tranquille et indiscrète balade devient possible. Le pirate peut consulter et, si ça lui chante, télécharger toute la facturation depuis des années. Pas de difficultés pour passer au peigne fin les communications détaillées de chaque portable et découvrir les numéros de quelques personnalités, piquées au hasard. C’est d’ailleurs ainsi que l’internaute découvreur de cette faille, a mis brutalement fin à son exploration. Il est tombé sur les numéros, les utilisateurs et les factures d’un service de renseignement. Un coup à se retrouver en prison avant d’avoir eu le temps de s’expliquer. Il a demandé au site spécialisé dans la sécurité informatique « zataz.com » d’alerter SFR.

La société a pris les choses très au sérieux, et mis aussitôt ses informaticiens au boulot. En moins de vingt-quatre heures, la faille était colmatée. Impossible désormais de jouer aux ballades numériques dans les bases de données. Mais impossible également d’être sûr que personne, avant ce jeune internaute, n’a profité de ce défaut, avec de moins nobles attentions. Dans plusieurs pays européens, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Autriche, la loi oblige tout gestionnaire d’une base de données à avertir ses clients d’une fuite possible. En France, une semblable proposition de loi prend la poussière dans un tiroir de l’Assemblée nationale. Dernière chose sur le cas SFR, les clients n’ont évidement pas été informé de cette affaire.

Voltage inquiétant sur fichier

Quelques dizaines de milliers de messages de divers demandes et réclamations des abonnées, envoyées par courriel à EDF, sont accessibles en quelques clics sur la Toile. Pas dramatique sans doute, mais indiscret et désagréable pour ceux qui croyaient écrire en toute confidentialité. Un journaliste-internaute est tombé sur ces correspondances à l’occasion d’une simple recherche sur les énergies renouvelables. A partir d’une page proposée par Google, il a pu accéder à des centaines de répertoires, laissés sans aucune protection. Il aurait fallu des semaines pour tout explorer tellement c’était important. Des informations et des bases de données en principe protégées, sont ouvertes à tous, dont une partie du fichier des clients d’EDF. Ce qui ne pose pas seulement un problème de protection de la vie privée, mais pourrait aussi constituer un désastre économique. Car tout fichier a une valeur marchande, et celui d’EDF, considéré comme particulièrement fiable, est un trésor sur le marché noir. Il est impensable de le laisser traîner, même en partie…

Après enquête, la direction d’EDF explique que ces données ont été confiées à une société extérieure, simple prestataire de services, qui devait développer des sites Internet. Pour l’y aider, EDF lui avait fourni une partie de son fichier et des milliers de correspondances privées. L’erreur de ce prestataire ne semble pas émouvoir plus que ça. Mise au courant, la direction de la communication d’EDF conserve « toute sa confiance » à cette société. Et elle n’a pas davantage l’intention d’informer la commission nationale de l’Informatique et des Libertés.

lundi 18 octobre 2010

Investisseurs malgré nous

C'est un piège, tout un système, une machination même habilement dissimulée au fond de nos comptes en banque. D'ordinaire, on préfère ne pas aller y voir de près, et c'est tout le mérite d'un documentaire qui est sorti très récemment en salles qui s'y colle pour lever les zones d'ombre de nos comptes (1). L'affaire est simple: même l'argent qui se trouve sur un compte courant modestement alimenté travaille, circule, se ballade dans la « nébuleuse » de la finance mondiale :

« Notre argent se promène et fait tourner le monde dans le mauvais sens, et on ne s'interroge pas assez, on est stupides », remarque Jocelyne Lemaire Darnaud, la réalisatrice. Banques et assureurs, mais aussi caisses de retraite et instituts de placements investissent en effet selon leur bon plaisir, et peu importe dans quoi, du moment que ça rapporte 5% à 10% et quelque fois plus. C'est ainsi qu'on est peut-être pacifiste et financer des industries d'armement, écolo et favoriser la déforestation, altermondialiste et aider au pillage des pays de l'hémisphère sud, salarié et alimenter des fonds de pension qui licencient à tour de bras pour dégager du bénéfice... « Quand j'ai découvert que je confiais mon argent à une banque qui finance les bombes à sous-munitions, j'ai été écœurée », dit la réalisatrice. Que faire ?, quoi penser ?. Depuis quelques années, économistes, syndicalistes, financiers, associatifs s'ingénient à mettre en place des outils permettant d'injecter un peu d'éthique dans le système qui à peu voir pas du tout de place dans le capitalisme ultra-libéral.

Il y a la méthode frontale. L'ecolo Yann Louvel raconte comment Les Amis de la Terre, apprenant que BNP Paribas finançait en Bulgarie une centrale nucléaire en plein dans une zone sismique, ont manifesté, organisé des « cyberpétitions », interpellé les administrateurs lors de la réunion général des actionnaires, etc. Petite victoire mais victoire quand même, la banque a renoncé à financer directement la centrale, mais continue de coordonner le financement...

il y a la méthode oblique, développée par les partisans de l'« investissement socialement responsable », le fameux ISR qui fait désormais fureur. Des organismes spécialisés se chargent de surveiller les entreprises, vérifier qu'elles ne saccagent pas l'environnement, ne nuisent pas aux autochtones, respectent les droits de leurs salariés, ect. ils possèdent le pouvoir de décerner des brevets de plus ou moins bonne conduite, que les investisseurs « éthiques » consultent afin de diriger vers des entreprises « vertueuses ». Sur le papier, l'idée est séduisante. En pratique, c'est autre chose. Par exemple, quand on entend discourir l'ex-syndicaliste Nicole Notat, qui a créé l'agence Vigeo. Non seulement ses analystes ISR ne vont pas sur le terrain et se fient aux informations que leur transmettent aimablement les entreprises (facile d'imaginer le degré de crédibilité), mais au capital de cette agence figurent les géants du CAC 40. Il est vrai que se voir décerner des brevets de bonne conduite par des agences peu curieuses, c'est bon pour l'image, par conséquent pour le business. « Là où l'ISR s'installe, commente l'économiste Thomas Lamarche, c'est là où ça ne dérange pas trop. »


On n'a pas fini de « moraliser le capitalisme »...

(1) : Moi, la finance et le développement durable (Date de sortie cinéma : 29 septembre 2010 )

Site officiel : http://www.financedurable-lefilm.com/

jeudi 23 septembre 2010

210 millions sous le "Tapie"

Christine Lagarde à passer un sale quart d'heure devant la commission des Finances de l'Assemblée. Invitée le 14 septembre par son président, le socialiste Jérôme Cahuzac, la ministre de l'Économie a du s'expliquer sur le pactole que va empocher Bernard Tapie dans le cadre du règlement définitif de l'affaire Adidas. Près de 210 millions, qui se divisent de la manière suivante : 45 millions pour les époux Tapie et les 165 pour la société personnelle de Nanard. Et ce grâce à l'arbitrage privé voulu par Sarkosy, et rendu en juillet 2008. On est très, mais très loin des proclamations de Lagarde, qui affirmait, par exemple, le 24 septembre 2008 : « Il ne restera au final à Tapie qu'environ 30 millions d'euros nets d'impôt. »
La somme était déjà respectable. En fait, ce sera sept fois plus, réglé par le Trésor public, c'est-à-dire par les contribuables. Bercy a définitivement bouclé ses comptes. Et voilà le détail de la douloureuse tel que l'a reconnu l'avocat de Tapie, Maurice Lantourne :

Les recettes :

Les époux Tapie vont recevoir 45 millions non imposables pour compenser le préjudice moral que lui ont causé les persécutions du Crédit lyonnais. Le montant le plus élevé jamais accordé en France. A quoi s'ajoutent 333 millions de dommages et intérêts pour s'être fait, selon la sentence arbitrale, gruger par le Crédit lyonnais lors de la vente d'Adidas, en 1993.

Les dépenses :

Nanard va devoir régler les frais de quinze années de procédure (une vingtaine de millions), des dettes diverses à des tiers ( une vingtaine de millions encore), sans oublier ponctions fiscales et douanières (une quarantaine de millions cette fois-ci). A quoi il convient d'ajouter ses dettes bancaires à l'égard de la SDBO, la filiale du Lyonnais qui avait financé ses aventures. « Cent soixante-deux millions », a affirmé Tapie, le 6 septembre.
En fait beaucoup moins : 76 millions avaient déjà été remboursés en 1995 à la SDBO, qui avait eu l'amabilité de racheter pour 500 millions de francs la société Bernard Tapie Fiance. « Ça n'a rien à voir. Cette somme m'appartient maintenant », affirme Tapie. N'empêche, la dette de Nanard à l'égard de la SDBO n'en a pas moins été réduite d'autant et ne s'élève plus qu'a 88 millions.
La soustraction recettes moins dépenses est facile à faire. Tapie, son épouse et sa société vont empocher 210 millions. Le nombre de zéro de la somme risque de faire du bruit. Avec cette question : la ministre de l'Economie est-elle incapable de faire une addition-soustraction, ou a-t-elle volontairement choisi, il y a deux ans, de minimiser le gros lot de Tapie pour calmer les débats ?. L'arbitrage rendu en faveur de Nanard avait en effet déclenché une polémique et provoqué la création d'une commission d'enquête parlementaire, dont les travaux avaient tourné à l'échec.
Les mauvais esprits ne comprenaient pas pourquoi Sarkozy avait choisi de recourir à un tribunal arbitral pour régler le litige, alors que l'affaire en était au dernier acte devant la justice ordinaire. La composition de ce tribunal privé avait elle-même étonné : outre l'ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, on y trouvait l'avocat Jean-Denis Bredin ex connaissance de parti de Tapie au PRG, et Pierre Estcoup, connu pour ses arbitrages acrobatiques, notamment dans l'affaire Elf.
Après l'annonce de la sentence, catastrophique pour l'Etat, Lagarde avait refusé d'introduire un recours qui, selon des spécialistes de droit public, aurait pourtant eu des chances de concrétisation. Autant de bonnes manières qui ne pourront qu'inciter Nanard à militer pour une réélection de son ange gardien.

dimanche 19 septembre 2010

Web politique 2.0

Internet : un outil de communication à double tranchant

Grand spécialiste de l'achat de mots-clé sur Google pour attirer les internautes vers les sites partenaires de l'UMP, voilà Sarko à son tour dangereusement piraté sur la toile. Depuis quelques jours, si vous tapez « trou du cul » sur Google.fr, vous êtes dirigé directement à la page Facebook du locataire de l'Elysée. Et voilà que toutes les radios en font leurs choux gras.
Des petits malins ont associé de très nombreuses fois le doux juron au site de Sarkosy. Résultat, dans l'ordre des références les plus consultées et retenues par le moteur de recherche, le même Sarko est devenu « Trou du cul Ier ». Dans un communiqué, Google s'est rapidement désolidarisé de cette plaisanterie de « farceurs » : « Nous ne soutenons pas cette pratique ni aucune autre visant à altérer l'intégrité de nos résultats de recherche, mais en aucun cas cette pratique n'affecte la qualité générale de notre moteur de recherche, dont l'impartialité reste, comme toujours, au centre de notre action. ». Et au centre du reste.
Du côté de l'UMP, bien sûr, quelques âmes chastes vont encore s'indigner : le Président est un martyr de la Toile. Mais il ne faut pas voir cette affaire, si l'on ose dire, par le petit trou de la lorgnette présidentielle. A tous les coups, des millions de jeunes vont se ruer sur leur ordinateur pour s'amuser à taper « trou du cul », et donc atterrir sur le site promotionnel de Sarko. Ce sont autant de jeunes militants potentiels de l'UMP.
Dans la perspective de 2012, cela devrait même donner des idées aux rusés responsables Internet du parti. Plutôt que d'acheter « Ségolène royal » ou d'autres noms de concurrents socialistes, comme ils l'avaient fait pendant la campagne de 2007, ils devraient préempter au plus vite « trou du cul » sur Google. Et pourquoi pas, acheter aussi un paquet d'autres mots-clés associés : les « troufignon » et autres « trou de balle ». La voilà, la solution pour enrayer la chute des adhésions à l'UMP.

mercredi 21 juillet 2010

Un CV incomplet

Un oubli probablement dans la biographie officielle d'Eric Woerth sur le site internet du gouvernement, le ministre du Travail (et des retraites) indique qu'il a travaillé chez Pechiney de 1982 à 1990. En réalité, entre 1987 et 1990, il ne travaillait plus chez le géant de l'aluminium. Une reconstitution de sa carrière s'impose, et de mettre le doigt sur ces trois années qu'il semble vouloir cacher. Ce qui serait dommage tout de même.
Tout petit, Eric Woerth affichait déjà un amour particulier pour le pot de confiture. Trentenaire en 1987, il est recruté par Jean-François Mancel, le très honnête président du conseil général de l'Oise et secrétaire général du RPR, qui lui confie la direction de l'Agence de développement de l'Oise (ADO). Woerth embauche alors comme adjointe Louise-Yvonne Casetta, la célèbre « banquière » de l'ère Chirac dans les années 80 et 90. Une solide expérience dans les fausses factures et les célèbres mallettes de billets du RPR pendant six ans, celle-ci a besoin d'un point de chute tranquille et moelleux.
Le jeune Woerth va bientôt réaliser des prouesses, saluées en 1992, par la chambre régionale des comptes. En deux ans, il augmente son propre salaire de 44 %, s'attribue une voiture de fonction (qui n'était écrit nulle part dans son contrat initial). Et surtout, il fait régler par l'ADO ses frais d'avocat pour un litige qui, toujours selon les magistrats, « n'avait qu'un caractère personnel ». Sans oublier des honoraires illégaux au directeur adjoint du département et d'énormes dépenses de Jean-François Mancel en voyages à l'étranger et déjeuners dans de très sélects restaurants parisiens. Woerth passe aussi des marchés publicitaires rentables à une boite qui a le bon goût de sauver de la faillite une petite entreprise appartenant à Jean-François Mancel. Quelle étonnante coïncidence.
Le futur ministre manifeste également son intérêt pour les travaux d'expertise commandés à des sociétés privées. Ainsi, il demande une étude sur les « comportements face à la brosse à chevaux », problématique importante pour le développement de l'Oise. De même, il confie à un intervenant extérieur une mission sur la valorisation des « déchets et rebuts de pommes ». une autre étude est jugée de « qualité médiocre » par les magistrats. Mais elle a un mérite : elle a été confiée au cabinet Bossard Consultants. Celui-là même qui va recruter aussitôt Woerth après son départ de l'Agence de développement de l'Oise.
Le futur trésorier de l'UMP se distingue aussi en réservant dix places (à 300 euros le menu) au « dîner pour la France », organisé en 1988 et destiné à faire cracher au bassinet de la campagne présidentielle de Chirac. Droit dans ses bottes, Woerth se justifie auprès de la chambre des comptes en expliquant que ce dîner a pu « contribuer à l'amélioration de la performance des entreprise de l'Oise ».
A son départ de l'ADO, en 1993, Woerth est nommé trésorier du RPR (où il retrouve son amie Louise-Yvonne Casetta), puis directeur financier de la campagne de Chirac à la présidentielle de 1996. il a vite appris.

samedi 17 juillet 2010

Un homme de l'ombre

C'est vraiment un homme de l'ombre. Un proche collaborateur d'Eric Woerth, membre de son cabinet au ministère du Budget, qui l'a suivi Rue de Grenelle, au Travail, mais qui ne figure sur aucun organigramme officiel. La nomination d'Eric de Sérigny, c'est son nom, n'a jamais été publiée au « Journal officiel », contrairement à celles des autres membres des différents cabinets de Woerth. Sa fonction, indiquée sur sa carte de visite ornée du logo de la République « Relations avec le monde économique » est vraiment pas très précis. Mais son réel rôle, lui, est stratégique : faire jouer ses contacts grâce à son somptueux carnet d'adresses, de généreux donateurs à l'UMP. Pas vraiment de liens avec le Travail ou l'Emploi.
Comme Eric Woerth, son patron, Sérigny pratique le mélange des genres. Ce chasseur de fonds pour le compte du ministre-trésorier est, lui aussi à cheval sur deux mondes : conseiller de Woerth, il est dans le civil, gestionnaire de portefeuilles de grands clients fortunés. Avant chez Richelieu Finances, en ce moment au service du financier Bernard Lozé. Quelle que soit sa casquette, politique ou business, il fréquente les mêmes gens, dans les mêmes salons dorés.

Carnet d'adresses en or

Eric Le Moyne de Sérigny, son patronyme complet, est l'infatigable animateur du « Premier Cercle ». Ce club regroupe un millier de plus généreux donateurs ayant versé leur obole (7500 euros au maximum par an) au parti de notre président. Son trésorier, quel surprise, n'est autre qu'Eric Woerth. « C'est l'homme-orchestre qui s'occupe de mettre en relation les industriels avec le ministre ». commente un financier, lui-même contributeur de l'UMP qui l'a beaucoup fréquenté. Sérigny se dépense sans compter en repas et réception de toutes sortes. Un jour, il réunit au très chic Jockey Club, auquel il est un habitué, les membres les plus fortunés pour un déjeuner présidé par Woerth et destiné à recueillir des dons pour l'UMP. Une autre fois, c'est un déjeuner à Bercy, toujours en présence de son cher ministre. Mais avec seulement une poignée de convives bien disposées à l'égard de l'UMP. « Là je n'avais pas le niveau, je n'ai pas été invité », commente notre financier, fort dépité.
Il faut quand même avouer que Sérigny connait par cœur la haute société. Agé de 64 ans, portant beau « un séducteur », de l'avis de tous, amis comme ennemis, il est le fils de l'ex-directeur de « L'Echo d'Alger », Alain de Sérigny. Il a commencé dans la vie avec un cuillère en argent dans la bouche, fréquentant la très chic école des Roches puis la fac de droit de Paris avant de devenir directeur de banque, notamment chez Rothschild. Il rencontre ceux qui comptent dans le Tout-Paris des affaires. Marié un temps à Sophie Desmarais, la fille de l'homme d'affaires canadien, associé au baron belge Albert Frère, chez qui Sarko aimait à passer des vacances, il a gardé d'excellentes relations avec son richissime ex-beau-père. Ses amis, parmi lesquels Patrice de Maistre, le fondé de pouvoir de Mme Bettencourt, sirotent en sa compagnie un drink au Polo de Paris, dans le bois de Boulogne. Ou fument un cigare avec ses amis de l'Association d'entraide de la noblesse française. Ou chassent en Sologne, en Russie et en Afrique. Ou encore exhibent leur chapeau lors du Prix de Diane (sponsorisé par Hermès, dont Mme Woerth vient d'intégrer le conseil de surveillance), sur les pelouses de Chantilly. Woerth est le maire de la commune des princes de Condé, où son épouse a monté une écurie avec d'autres dames argentées. Echange de bons procédés entre amis, Sérigny, à l'occasion, est de bon conseil pour souffler à son ministre les noms des citoyens méritants qui rêvent de la Légion d'honneur.
Sérigny dément tous les affirmations faites précédemment, les réunions qu'il reconnaît organiser le sont dans le cadre de sa « mission totalement bénévole » et « en aucun cas pour le compte de l'UMP ». il s'agit seulement, précise-t-il, de permettre au ministre « d'appréhender la situation économique et financière des sociétés françaises à travers des exemples concrets ». Avec un pareil professeur, Woerth est sauvé.

mardi 6 juillet 2010

Problèmes de couple

Il a fallu un traitement de choc pour soigner les maladies fiscales et politiques de l'affaire Bettencourt. Eric Woerth a annoncé Lundi 21 juin, que son épouse Florence allait quitter la société Clymène, qui gère une partie de la fortune de la milliardaire. Laquelle a publié un communiqué pour faire savoir que les sommes qu'elle détient en Suisse ou ailleurs feront l'objet d'une rapide régularisation et d'un retour au pays. De judicieuses décisions qui auraient gagné à être prises autrement que sous le feu des projecteurs des récents événements. Ce sont les écoutes clandestines qui ont révélé les petites fantaisies fiscales de Liliane Bettoncourt, et la danse de ses proches ou des gestionnaires de sa fortune autour de la mine d'or. Quelques dizaines de millions par-ci, la propriété de toute une île par-là... des choses insignifiantes. Mais il se trouve que Florence Woerth s'occupe de placements pour le compte de cette riche cliente. Et que mêmes les écoutes évoquent des projets de distribution d'argent, il faut dire relativement modestes et légaux, à des hommes politiques dont... Eric Woerth. La question est désormais de savoir comment le ministre du Travail et ancien ministre du Budget a pu se laisser tomber dans une telle situation. Pendant que Monsieur traquait les fraudeurs du fisc, Madame se faisait embaucher, grâce à lui chez Liliane Bettoncourt. Encore plus fort : l'ex-ministre du Budget est en même temps trésorier de l'UMP, chargé de récolter des sous parmi les riches contribuables, y compris ceux qui on ou pourraient un jour avoir maille à partir avec son administration.

On l'a vu à Genève, en mars 2007, rencontrant dans un palace les riches Français résidents en Suisse pour les convaincre de cotiser à la campagne de Sarkozy. Et apparemment, sans demander l'origine de leurs fonds. Il continue à animer le Premier cercle, nom donné à la pompe à financement de l'UMP créé en 2007 et dont il est le délégué général. Tous les deux mois, il réunit dans de luxueux salons de l'hôtel Bristol, au cercle Inter-allié, voire dans la salle des fêtes de l'Elysée, un millier de riches supporteurs. Droit d'entrée minimum : 3000 euros, amis ça peut grimper jusqu'à 7500 euros. Deux ou trois fois par an, Sarko honore de sa présence ces réunions haut de gamme. Promis juré, tous ces braves gens n'attendent aucun traitement de faveur si le fisc devait se pencher sur leur cas. De même que la charmante Liliane Bettoncourt, dont les collaborateurs sont conduits à discuter presque chaque jour avec les fonctionnaires des impôts, n'a tiré ni avantage ni privilège de la présence à ses côtés de l'épouse du ministre. Quand même, on n'est en France tout de même.
Mais alors, pourquoi a-t-elle démissionner ?

jeudi 24 juin 2010

A but non lucratif

17 jours avant la finale, le grand vainqueur de la Coupe du monde 2010 est déjà connu. Il s'agit de la Fédération internationale de football (Fifa), arbitre planétaire du ballon et des ronds. Une institution qui a la haute main sur l'attribution de milliards de primes, de droits télé, de marketing et de sponsoring. Et, sauf scénario catastrophe, elle empochera plusieurs centaines de millions de bénéfices avec ce Mondial sud-africain.
La Fifa, c'est un peu l'équivalent de l'ONU mais dans le foot. Elle mène à la baguette les 208 fédérations (plus que les membres des Nations unies) qui la composent. Son patron, le Suisse Joseph Blatter, traite d'égal à égal avec les chefs d'Etat, de Poutine à Obama, adresse des remontrances aux gouvernements pas assez accommodants et octroie d'énormes aides à des pays pauvres. Association « sans but lucratif », c'est très sérieux, la Fifa ne rend compte à personne de ses actes politiques ou financiers. Ainsi le prédécesseur de Blatter, le Brésilien Havelange, a-t-il fait ami-ami avec le Chilien Pinochet et l'Argentin Videla. Plus fort encore, il a pris le thé avec le dictateur nigérian Sani Abacha, deux jours avant la pendaison de Ken Saro Wiwa, grand écrivain et opposant politique. Blatter, lui, peut revendiquer d'incontestables succès diplomatiques. Comme la reconnaissance sportive de la Palestine, qui cohabitera, dans la même fédération, avec Israël. Ou le maintien en sein de frères ennemis comme Taïwan et la Chine.
Mais il faut également souligner des affinités à des personnages peu avenants, comme jadis, le boucher libérien Charles Taylor ou le « dirigeant bien-aimé » nord-coréen Kim Jong-li. Sans trop de complexes, Blatter a récemment félicité le Tunisien Ben Ali pour « ses multiples interventions en faveur de la paix dans le monde », et il a reculé face aux mollahs iraniens, qui exigeaient que leurs footballeuses jouent coiffées d'un foulard. A l'intérieur de la Fifa, l'élection du président se gagne à la majorité des voix des pays membres. Or, amusante particularité, chacun d'eux pèse du même poids, quelle que soit sa population. Exemple, la Chine ne compte pas davantage que la minuscule île de Montserrat (5000 habitants), proche de la Guadeloupe. Les îles et les micro-Etats (Andorre, Saint-Marin...) constituent donc une source d'électeurs très apprécié. Notamment dans les Caraïbes, qui, avec l'Amérique centrale, représentent un cinquième des votes. Président de la confédération regroupant ces confettis, le Trinitéen Jack Warner est un indéfectible allié de Blatter. Qui, en retour, ne lui a jamais privé de son soutien. Même lorsque le cabinet Ernst & Young l'a accusé d'avoir empoché 1 million de dollars sur la revente de billets.

Hors jeu coûteux


Membre du comité exécutif de la Fifa, qui compte 24 représentants, Jack Warner n'est pas le seul à bénéficier de l'indulgence du grand patron. C'est aussi le cas du Brésilien Ricardo Texeira, plusieurs fois accusé de corruption par le champion et ex-ministre des Sports Pelé. Ou celui du Paraguayen Nicolas Leoz, confondu, en mars 2008 devant un tribunal suisse, par d'anciens cadres du groupe de marketing ISL pour avoir reçu 148 000 euros de dessous-de-table. Malgré les documents produits, la justice les a qualifiés de commissions (au moment des faits ils étaient légaux) et a relaxé Nicolas Leoz.
Autre dirigeant pas très clair, l'Argentin Julio Grondona a déclaré, en juillet 2003 : « Je ne crois pas qu'un juif puisse être un jour arbitre à ce niveau (1ère division de l'argentine) car c'est dur et, vous le savez, les juifs n'aiment pas travailler dur. » Cet humoriste préside depuis des années, la très stratégique commission des fiances de la Fifa. Blatter oublie vite les dérapages de ces collaborateurs. C'est ainsi qu'il a réintégré, et promu, un jeune français qui dirigeait naguère le département marketing de la fédération. Jérôme Valcke avait négocié avec le groupement bancaire Visa un contrat de sponsor officiel de la Fifa. Alors que son concurrent direct, Mastercard, détenait déjà un contrat du même type. En janvier 2007, la Fifa a été lourdement condamnée en première instance : elle a dû verser plus de 70 millions à Mastercard et a viré Valcke. Mais Blatter, qui avait sans doute supervisé l'opération, l'a rappelé au bout de quelques mois et nommé au poste de confiance de secrétaire général. Autrement dit, numéro deux de la Fifa. C'est avec l'appui de tous ces obligés que Blatter se prépare à briguer, à 74 ans, un quatrième mandat consécutif de pape du football. Michel Platini tenté d'y apporter de la concurrence semble aujourd'hui décidé à passer son tour. Le seul moyen pour lui de s'imposer eût été de remettre en question la « méthode  Blatter ». Comme en 2002, lorsque plusieurs patrons de fédération se sont interrogés sur le brusque retournement de veste, à coups d'enveloppes, ont-ils prétendu, d'une vingtaine de délégués africains. Des dirigeants jusque-là très hostiles à cet « intouchable » Blatter.

De l'argent, de l'argent et encore de l'argent

Des frais d'hôtel de 7 millions par sélection nationale. Des primes aux clubs et aux joueurs dont certains, avec l'aide de leur fédération, toucheront plus de 600 000 euros en cas de victoire finale. Des « dotations » aux équipes proches de 350 millions. Qui paie ?, ben la Fifa et c'est pas trop dur pour elle car elle attend plus de 2,5 milliards de recettes de ce Mondial. Principalement dû aux droits télé, qui ont presque doublé depuis la dernière édition, en Allemagne. N'importe qui peut conclure que cette Fifa est une affaire en or. Ses fonds propres, qui en 2003 atteignaient à peine 50 millions, dépassent aujourd'hui le milliard. Mais la trésorerie disponible est encore bien supérieur...
Étonnant vu son statut « à but non lucratif », ses dirigeants, Joseph Blatter en tête, en profitent, il faut le dire, modestement. Leurs salaires sont secrets, mais un total annuel de 3 à 4 millions d'euros est souvent avancé. Sans compter une série de primes diverses, à six chiffres tout de même.
Dans le cercle d'influence de la Fifa, la société Infront Sport et Médias décroche des contrats enviables. En 2006, elle avait même obtenu la propriété de tous les droits télé qu'elle revendait aux chaînes du monde entier. À l'heure actuelle, elle contribue à leur commercialisation en Asie, filme et diffuse les images officielles de la Coupe du monde. Tandis qu'une société dont elle est actionnaire propose des séjours de luxe et billets pour les matchs inclus. Détail important, ce groupe privilégié est dirigé par un certain Philippe Blatter, neveu du patron de la Fifa. Au football, cela s'appelle recevoir un caviar sur un plateau.

dimanche 23 mai 2010

Le passé nous rattrape

C'est une histoire de sous-marins, de sacs de biftons et de campagne électorale. Une histoire qui remonte à quinze ans, et qui refait surface aujourd'hui. On y retrouve des personnalités bien connus, au premier rang Balladur, Premier ministre à l'époque, et de Sarkozy, son ministre du budget. Cela tombe très bien, c'est une histoire de gros sous. On parlait alors en francs je le rappel. La France venait de promettre au Pakistan trois magnifiques sous-marins, pour la modique somme de 5,41 milliards. Ce genre de marché, on le sait, se gagne en graissant largement des pattes. En 1992, la très officielle DCN (Direction des Constructions Navales) avait fait en sorte qu'une officine spécialisée empoche 6,25% du marché pour amadouer les décideurs pakistanais. On ose imaginer les millions à distribuer...
Mais voilà qu'en 1994, raconte Libération (26/04/1994) documents à l'appui, le gouvernement Balladur se mêle de l'affaire, impose qu'une commission supplémentaire de 4% soit versée à deux intermédiaires amis de la société Mercor Finance, en théorie pour mieux corrompre mieux encore les acheteurs pakistanais. Soit 216 millions de francs de dessous de table... dont la société Mercor Fiance, les documents le prouvent, a touché au moins le quart avant que Chirac, élu président en 1995, ne stoppe carrément ces versements, anti-balladurisme oblige.
Cette histoire d'argent noir ne serait que bêtement consternante si un drame et un gag ne venaient en rehausser l'intérêt. En mai 2002, à Karachi, un kamikaze fait exploser un bus rempli de salariés et ingénieurs qui travaillaient à la construction des fameux sous-marins : 14 morts, dont 11 Français. Depuis la justice s'interroge sérieusement : cet attentat terroriste est-il lié à l'arrêt du versements des commissions ? Peu d'éléments probants pour l'instant. Quant au gag... Au moment où les intermédiaires empochent les 54 millions de commissions, l'association qui finance la campagne électoral de Balladur empoche d'un coup un peu plus de 10 millions en liquide. Un document envoyé en février dernier à l'avocat des familles des salariés tués à Karachi le prouve : c'est sous la forme de quatre sacs emplis en grande partie de biftons de 500F que cette belle offrandes a atterri dans les locaux du Crédit du Nord, qui gérait le compte de campagne balladurien, trois jours après la cinglante défaite de Balladur au premier tour.
Les militants balladuriens avaient beau n'être pas désargentés, difficile de croire que lors des meetings, ils ne donnaient à leur candidat que des grosses coupures... D'ailleurs, interrogé le 26 avril par Mediapart, René GalyDejean, alors trésorier de la campagne de Balladur, affirme : « Cela ne me dit rien. Une telle somme, tout de même, je ne l'aurais pas oubliée. » Mais alors d'où vient tout cet argent ? S'insurgeant qu'on puisse le soupçonner d'avoir organisé un système de rétrocommissions, Balladur s'est expirmé le mardi 27 avril dans une tribune du Figaro. Sa défense est simple : « je n'y suis pour rien, le financement de ma campagne est tout ce qu'il y a de plus légal et validé par le Conseil constitutionnel, jamais je n'ai reçu une rétrocommissions. » Belle réplique mais qui laisse intacte la question : d'où viennent encore une fois ces gros biftons ?. Ces fameux quatre sacs dûment attestés par un document bancaire du Crédit du Nord ?
Certains avancent une hypothèse : s'ils ne viennent pas de rétrocommissions liées aux sous-marins vendus au Pakistan, c'est qu'ils viennent d'ailleurs. Et si Balladur reste muet sur leur provenance, c'est que celle-ci est difficilement avouable. Et de quels fonds a-t-on du mal à parler dans ce contexte de financement de campagne présidentielle ? Des fonds secrets auxquels avait alors légalement droit tout Premier ministre. Mais reconnaître les avoir utilisés pour financer une campagne électorale, ça la place un peu mal...
Et puis tout ça c'est de l'histoire ancienne non ? Cette histoire de ventes d'armes, de corruption orchestrée au plus haut niveau, d'intermédiaires pas nets, de commissions et de rétrocommissions ne pourrait plus avoir lieu aujourd'hui, puisque de très officielles instances s'assurent que les engins de mort que nous vendons légalement à l'étranger (et 2010 est une excellent année) ne s'accompagnent que de dessous de tables très raisonnables et parfaitement éthiques. Pour résumé, tout va bien dans le meilleur des mondes surarmés...

samedi 24 avril 2010

Un bouclier indestructible

Vraiment stupéfiant le tour qu'ont réussi les juristes : la suppression du bouclier fiscal pourrait se heurter à un obstacle juridique que certains experts qualifient de quasi insurmontable. Réclamée par la gauche depuis sa création, souhaitée depuis peu par une partie de la droite, la mise à mort de ce fameux bouclier risque d'être déclarée contraire, tenez-vous prêt, à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, texte qui a aujourd'hui valeur constitutionnelle. Ce coup de maitre a été réfléchis bien des années antérieures.
En 2005, Villepin est premier ministre et Copé ministre du budget, mettent au point une première version de ce dispositif sans dire qu'il aura pour principal effet de supprimer, pour un grand nombre de contribuables, l'impôt de solidarité sur la fortune. Il s'agit de limiter à 60% des revenus le montant des impôts directs qui peuvent être réclamés à un particulier. Aussitôt, la Gauche monte au créneau et, e, décembre 2005, une centaine de parlementaires saisissent le Conseil constitutionnel pour lui demander de censurer cette loi, qu'ils accusent de « violer le principe de l'égalité des contribuables devant les charges publiques ». La réponse du Conseil n'est pas exactement celle qu'ils attendaient.
Non seulement le bouclier fiscal n'est pas déclaré contraire à la Constitution, mais l'arrêt rendu le 29 décembre 2005, sauve bien des heureux bénéficiaires. On peut y lire que la juste répartition de l'impôt entre les citoyens exigée par la Déclaration de 1789 ne serait pas respectée si celui-ci « revêtait un caractère confiscatoire » ou faisait peser sur certains (une larme coule) « une charge excessive ». Encore plus fort, le Conseil va beaucoup plus loin et déclare que « dans son principe, le bouclier fiscal tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ». En résumé, ce nouveau dispositif met fin à une situation antérieure de « rupture de l'égalité », qui, elle était inconstitutionnelle. La question de l'impossibilité d'un retour en arrière est déjà posée, mais personne ne s'en était rendu compte.
En 2007, on recommence. Le « paquet fiscal » concocté par Sarko et son équipe modifie et embellit le bouclier. La CSG et la CRDS entrent à leur tour dans le calcul des impôts payés, et le plafond d'imposition descend à 50% des revenus. Le Conseil constitutionnel est, à nouveau, invité à se prononcer. Le 16 août 2007, il reprend mot pour mot, les termes de 2005. En y ajoutant une gâterie : le nouveau taux de 50% plus favorable aux riches contribuables, avec cette formule : il n'est « entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ». « Le Conseil a constitutionnalisé le principe du bouclier fiscal, commente un juriste, spécialisé en la matière. Il est aujourd'hui impossible de le supprimer sans le remplacer par un dispositif de même nature. » Le raisonnement semble imparable : puisque le Conseil a dit que le bouclier empêchait une rupture d'égalité », le supprimer créerait forcément une « inégalité » contraire aux règles constitutionnelles.
Voilà le bouclier gravé dans le marbre. Même si la gauche revient au pouvoir, elle risque de ne pas pouvoir s'en défaire. Ou avec les plus grandes difficultés, nuance un autre professeur de droit constitutionnel. Il est possible, explique-t-il, de soutenir que cette appréciation des juges du Palais-Royal était en fonction des conditions particulières au moment où ils se sont prononcés. C'est-à-dire sans la crise, et sans quelques autres dispositions fiscales prises postérieurement. Ainsi, le Conseil pourrait-il, au prix de quelques contorsions qui font le bonheur des juristes, estimer que le bouclier n'est plus indispensable pour assurer la sacrosainte égalité des citoyens face aux obligations fiscales. Mais tous les experts s'accordent pour dire que ce ne sera pas une promenade de santé. Et les 16 350 heureux bénéficiaires du « bouclier » peuvent encore, avec les 586 millions qui leur ont été remboursés cette année, ouvrir quelques bouteilles de champagne.

vendredi 19 mars 2010

L'hypocrisie française face à l'encontre des paradis fiscaux

Personne n'exige rien des entreprises qui adorent ces pays refuges.


La France est intraitable avec les paradis fiscaux. La preuve, récemment elle vient de publier une « liste noire » des pays dits « fiscalement non coopératifs ». Un pavé dans la mare. Sauf que, remarquent les experts, les 18 Etats mis à l'index sont surtout de petites îles des Antilles et du Pacifique qui n'abritent que peu de fonds français. Pas question de stigmatiser nos influents voisins comme le Luxembourg, l'Irlande, la Suisse, ni de s'en prendre aux chasses gardées de la Grande-Bretagne (les îles Anglo-Normandes), des Etats-unis (Delaware, Oklahoma), de la Chine (Hongkong, Singapour) ou de la France (Monaco).

Depuis le début de la crise, Sarkozy n'a pourtant pas été avare de grandes phrases ou de coups de coude. « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est terminé!! », a-t-il dit à Laurence Ferrari et à David Pujadas le 22 octobre à la veille du G20 de Pittsburgh. Six mois plus tôt, au G20 de Londres, il proclamait déjà « L'ère du secret bancaire est révolue ». Alors fini le triangle des Bermudes de l'économie mondiale, refuge de la corruption, de l'argent sale, et des produits financiers ?. Terminé, cet montagne de milliards de recettes fiscales que les contribuables non initiés finissent toujours par compenser ?. Un récent ouvrage du journaliste Xavier Harel, « La grande évasion » (éditions LLL), apporte la réponse que tout le monde sait : rien n'a changé ni ne changera dans un proche avenir. Pourquoi ? c'est évident, personne ou presque ne le souhaite.

La sincérité de Sarkozy laisse d'ailleurs dubitatif. Avocat durant une courte période de sa vie, il a parfois, écrit l'auteur « accompagné des clients vers des cieux fiscaux plus cléments ». Et de citer un proche du banquier suisse Jacques Heyer (condamné en 2005 pour abus de confiance) qui se souvient des visites régulières de l'avocat Sarko à Heyer, en compagnie du tenisman Henri Leconte, lui même réfugié fiscal en suisse. Ministre du budget, Sarko a été confronté encore plus directement à la trouble réalité des paradis fiscaux. Selon une note d'un service de police contenue dans le dossier d'instruction du fameux marché des frégates de Taïwan, il a donné son aval, en 1994, à la création d'une société écran luxembourgeoise, Heine SA. Un moyen discret de verser des commissions à un intermédiaire Andrew Wang. Et surtout, depuis le début de la crise, Sarko a fort peu traduit ses promesses en actes. A la fin 2008, il avait averti que les banques ayant des liens avec les paradis fiscaux seraient exclues du plan de sauvetage. Auditionné en février 2009 par la commission des Finances de l'assemblée, Baudouin Prot, directeur général de la BNP et premier bénéficiaire de ce plan l'a reconnu, « La question des paradis fiscaux n'a jamais été abordée par les pouvoirs publics ». La BNP était-elle concernée ? Un peu quand même avec 189 filiales dans ces pays refuges.

Si l'on pousse un peu les recherches, elle n'est pas seule. Tout le CAC 40 les fréquente. France Telecom y entretient 63 antennes, LVHM 140, le groupe Pinault 97, Lagardère 55 ect. D'après les calculs de Danièle Lebègue, ex-directeur du trésor, le manque à gagner fiscal correspond à une dizaine de milliard par an. Cette mise au vert n'est pas toujours frauduleuse. Il n'y a d'infraction que si les filiales en question ont une activité fictive ou si elles aident leurs clients à dissimuler leurs revenus. Ce que font certaines banques philanthropes. Selon les statistiques de la Banque de France, les actifs français gérés par des banques tricolores dans les paradis fiscaux atteignaient 532 milliards de dollars en 2008. Tous les fonds ne sont peut-être pas douteux, mais le fisc rêve sûrement d'ouvrir certains de ces coffres paradisiaques.


Le pillage d'un contient ne fait pas bouger les choses non plus

Chaque année, plusieurs milliards quittent l'Afrique pour trouver refuge dans les paradis fiscaux. Mais la France ne lutte guère contre ce pillage du continent. Ses banques accueillent même une partie de ces sommes. Et les responsables de cette évasion dépensent beaucoup aussi dans l'Hexagone. D'où les réticences du gouvernement français à restituer les avoirs et biens mal acquis de certains milliardaires africains.

Exemple avec ce magot de 100 millions appartenant au dictateur nigérian déchu, Sani Abacha. En 2006, raconte le journaliste Xavier Harel, la France a refusé la demande présentée par le Nigeria. Elle n'était pas formulée en français comme le voulait la convention entre les deux pays... Même refus de céder 23,5 millions d'euros placés par Saddam Hussein à la Banque de France, alors que la plupart des Etats (dont la Suisse et le Luxembourg) ont rendu l'argent de l'ex-dictateur. Le soutien direct de l'Elysée à divers régimes africains, complique la récupération des fonds.

En 2004, lorsque Edith Bongo, épouse du président du Gabon, s'offre une voiture de luxe Maybach 57 en puisant dans le compte du trésor public gabonais ouvert à la Banque de France, celle-ci n'y trouve rien à redire. En juin 2007, une plainte concernant des dizaines de millions de « bien mal acquis » achetés, en France, par plusieurs de ces amis et du pétrolier Total (les présidents Bongo, Sassou Nguesso (Congo), Obiang (Guinée équatoriale) ou Dos Santos (Angola), est aimablement classée par le parquet. Une autre plainte est déposée et jugée recevable par la justice. Mais le parquet la bloque encore en faisant appel. Le dossier est en cassation. Faute de rivaliser avec les paradis fiscaux, la France se console en abritant ces fortunes si honnêtement gagnées.

dimanche 31 janvier 2010

NANOTECHNOLOGIES = SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ?

C'était le thème du débat public organisé à Rennes le 7 janvier dans le cadre de la grande consultation sur les nanotechnologies lancée par Borloo après son Grenelle de l'environnement. Comme le canard enchainé l'a déjà raconté (édition du 22/07/09), l'industrie agroalimentaire a déjà commencé à mettre des pincettes de nanoparticule dans nos assiettes. Ces micromatérieux, de l'ordre du millionième de millimètre, qui grâce à leur taille échappent aux lois de la physique classique, sont la formule magique pour allonger la durée de vie des tablettes de chocolat, stabiliser les couleurs de certains aliments, blanchir les sauces, renforcer les arômes etc...
Kraft foods, numéro deux mondial de l'agroalimentaire, a crée un consortium « nanotech » constitué d'une quinzaine d'universités et d'instituts de recherche. Le problème, c'est qu'aucune étude sérieuse n'a été réalisée sur la manière dont ces nanoaliments, une fois avalés, se comportent dans notre organisme. Combien de nanoparticules avons-nous déjà au menu? D'après la représentante de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), qui avait fait le déplacement à Rennes, « aucun produit alimentaire n'a été évalué comme tel en France ». Nous voilà rassurés, sauf que ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas « évalués comme tels » qu'ils n'existent pas!. Si on cherche un peu, on apprend que les industriels ne sont pas obligés d'indiquer sur l'étiquette la présence d'un nano-ingrédient. Et ce n'est que depuis ce mois de janvier qu'ils sont tenus de demander un feu vert à l'Efsa, l'équivalent européen de l'Afssa, lorsqu'ils veulent commercialiser un additif composé de nanoparticules.
On nous parle bien d'une réglementation sur les « nouveaux aliments », dont feraient partie partie les nanoaliments, mais elle est encore dans les cartons. D'autant qu'a Bruxelles on en est encore à se creuser la tête sur la définition d'un nanoaliment : moins de 300, ou de 100 nanomètres?. En gros, on ne dispose d'aucune liste officielle des nanoaliments déjà dans nos rayons. Il serait pourtant pour les biens de tous, de mettre notre nez dans les barres chocolatées, les crèmes glacées ou autres soupes en sachet, et surtout les emballages dont on sait que les composants peuvent parfois migrer dans les aliments... En comptant aliments, ustensiles de cuisine, emballages et compléments alimentaires, l'association écologique « Les Amis de la Terre » recense plus d'une centaine de nanoparticules qui pourraient migrer dans nos gamelles.

Mais comme l'a dit l'Afssa « la réalité commerciale sur le marché européen est difficile à objectiver ».

mardi 5 janvier 2010

Le roi des écolos 2010 s' appelle Mc Do

Cet article est à l'origine d'une pleine page de pub de McDo où il était écrit : « À partir du 1er janvier 2010, McDonald's France couvrira 100% d'électricité d'origine renouvelable ». On applaudit à deux mains. Chacun des 1140 restaurants de la chaîne va planter des éoliennes sur son toit. Pourtant, la chaîne de fast-food va continuer à se fournir chez EDF. La seule chose qui change, c'est qu'elle va se doter de « certificats verts ». Autrement dit, McDo va frapper à la porte d'un groupement de producteurs d'énergie renouvelable (Green Access notamment qui fait dans le solaire, l'hydraulique, le biogaz et l'éolienne), pour lui acheter des bouts de papier qui prouvent que lesdits producteurs ont bien fabriqué dans l'année 500 000 méga wattheures d'électricité verte. Soit l'équivalent de ce que McDo consomme à l'année.

Avec ces certificats achetés 5 euros par tranche d'un méga wattheures, la multinationale, tout en faisant cuire ses burgers avec de l'électricité aux trois quarts d'origine nucléaire, peut se la jouer verte. 2,5 millions d'euros pour se verdir l'image, c'est poussé quand on fait 3,3 milliards de chiffre d'affaires. Un détail oublié dans le plan com de McDo, à partir de l'an prochain, toutes les boîtes de plus de 500 salariés va devoir fournir son bilan carbone. Au moment de celui-ci, elle pourra montrer fièrement ces certificats verts. Tout le monde le sait, McDo ça rime avec écolo.