lundi 21 avril 2014

La chasse du trésor caché des trafiquants de CO2

L'arnaque à la TVA leur a rapporté 1,6 milliards, bien à l'abri dans des comptes à l'étranger.

L’État va-t-il réussir à récupérer une partie du 1,6 milliards d'euros volé par une équipe d'escrocs à la TVA ?. Le coup de maître de ces fraudeurs datent des années 2008-2009. Lorsque les entreprises s'échangeaient des quotas de CO2 (ou « droits à polluer »), les arnaqueurs achetaient des quantités de gaz carbonique hors TVA. Qu'ils revendaient à des boites en leur facturant la TVA. Bénéfice => 19,6%.
Lorsque l’État leur réclamait, comme l'exige la loi, le reversement de la TVA perçue, tout le monde s’étaient volatilisés. La combine ne fonctionne plus, mais depuis cinq ans, une dizaine de juges, à Paris, Lyon, Toulouse ou Marseille, dirigent plus de 20 enquêtes différentes, et s'épuisent à courir après l'argent volé. Les acteurs de cette arnaque savent où est le magot et se le disputent sans merci. Selon les enquêteurs, le meurtre ayant eu lieu le mardi 8 avril à Paris, de l'homme de main d'un joueur de poker est lié au joli monde des dealers de carbone. C'est le cinquième assassinat depuis 2010, disent-ils, qui mène à ce trafic. Mais pas au trésor. Il y a quelque mois, l'affaire « Crépuscule », du nom d'une boite intermédiaire dans les achats de CO2, a fait naître l'espoir de recouvrer de grosses sommes.
En octobre, à la suite d'un accord entre Israël et le France, une vaste descente policière a été lancée à Tel-Aviv et dans sa banlieue huppée. L'opération est ainsi justifiée dans une note interne du ministère de l'Intérieur : « Les faits prennent leur origine dans des détournements massifs de TVA sur les transactions de droits de pollution (préjudice estimé à 223 millions d'euros) et de matériel de téléphonie (2 millions). D'avril 2008 à mars 2009, la société de droit français de courtage Crépuscule a transféré près de 150 millions sur des comptes bancaires à l'étranger (Monténégro, Lettonie, Chypre, et surtout Hong-Kong) au nom de sociétés défaillantes. » Résultat de l'opération, des dizaines d'escrocs présumés ont été arrêtés, et certains se sont montrés très coopératifs, car une partie d'entre eux, une fois installés en Israël, se sont vus menacés et rackettés par la mafia locale, ultraviolente et dirigée par des parrains russes. L'affaire a un peu progressé en janvier, lorsqu'un des cerveaux de l'affaire s'est pointé à Roissy.
Cyril Astruc, dit « Poulet », dit « le Maigrichon », dit Alex Kahn (son pseudonyme en Israël), atterrit le 10 janvier en France, en transit pour Bruxelles : le juge belge Michel Claise a négocié son retour et la restitution de 5 millions d'euros sur les 72 qu'il est accusé d'avoir volés à la Belgique. Mais les Français, finauds, apprennent son arrivée. Astruc est également poursuivi en France. Les flics de l'Office central de lutte contre le crime organisé lui mettent tombe dessus, au nez et à la barbe des douaniers, également présents à l'aéroport. Ce sont ces derniers qui ont réalisé l'essentiel de l'enquête, sous l'autorité du juge parisien, et ils possèdent, contrairement à leurs collègues, un mandat d'arrêt. A cette guerre entre pays et entre services s'ajoute une bataille judiciaire : cinq juges, au moins, veulent entendre Astruc et profiter de ses lumières, toujours pour retrouver l'argent... Certes, lors de son arrestation, il était porteur d'une montre à 330 000 euros et d'un pendentif à 50 000 euros, plus quelques liasses de billets. Mais la prise est assez maigre. D'autres informateurs « repentis » pourraient profiter du programme de protection et d'anonymisation des témoins. Un dispositif extrêmement onéreux, puisqu'il faut fournir aux informateurs nouvelle identité, protection, logement, aide... S'ils coûtent plus cher à la justice qu'ils ne lui rapportent, ces artistes du CO2 ne manquent d'air.