samedi 17 juillet 2010

Un homme de l'ombre

C'est vraiment un homme de l'ombre. Un proche collaborateur d'Eric Woerth, membre de son cabinet au ministère du Budget, qui l'a suivi Rue de Grenelle, au Travail, mais qui ne figure sur aucun organigramme officiel. La nomination d'Eric de Sérigny, c'est son nom, n'a jamais été publiée au « Journal officiel », contrairement à celles des autres membres des différents cabinets de Woerth. Sa fonction, indiquée sur sa carte de visite ornée du logo de la République « Relations avec le monde économique » est vraiment pas très précis. Mais son réel rôle, lui, est stratégique : faire jouer ses contacts grâce à son somptueux carnet d'adresses, de généreux donateurs à l'UMP. Pas vraiment de liens avec le Travail ou l'Emploi.
Comme Eric Woerth, son patron, Sérigny pratique le mélange des genres. Ce chasseur de fonds pour le compte du ministre-trésorier est, lui aussi à cheval sur deux mondes : conseiller de Woerth, il est dans le civil, gestionnaire de portefeuilles de grands clients fortunés. Avant chez Richelieu Finances, en ce moment au service du financier Bernard Lozé. Quelle que soit sa casquette, politique ou business, il fréquente les mêmes gens, dans les mêmes salons dorés.

Carnet d'adresses en or

Eric Le Moyne de Sérigny, son patronyme complet, est l'infatigable animateur du « Premier Cercle ». Ce club regroupe un millier de plus généreux donateurs ayant versé leur obole (7500 euros au maximum par an) au parti de notre président. Son trésorier, quel surprise, n'est autre qu'Eric Woerth. « C'est l'homme-orchestre qui s'occupe de mettre en relation les industriels avec le ministre ». commente un financier, lui-même contributeur de l'UMP qui l'a beaucoup fréquenté. Sérigny se dépense sans compter en repas et réception de toutes sortes. Un jour, il réunit au très chic Jockey Club, auquel il est un habitué, les membres les plus fortunés pour un déjeuner présidé par Woerth et destiné à recueillir des dons pour l'UMP. Une autre fois, c'est un déjeuner à Bercy, toujours en présence de son cher ministre. Mais avec seulement une poignée de convives bien disposées à l'égard de l'UMP. « Là je n'avais pas le niveau, je n'ai pas été invité », commente notre financier, fort dépité.
Il faut quand même avouer que Sérigny connait par cœur la haute société. Agé de 64 ans, portant beau « un séducteur », de l'avis de tous, amis comme ennemis, il est le fils de l'ex-directeur de « L'Echo d'Alger », Alain de Sérigny. Il a commencé dans la vie avec un cuillère en argent dans la bouche, fréquentant la très chic école des Roches puis la fac de droit de Paris avant de devenir directeur de banque, notamment chez Rothschild. Il rencontre ceux qui comptent dans le Tout-Paris des affaires. Marié un temps à Sophie Desmarais, la fille de l'homme d'affaires canadien, associé au baron belge Albert Frère, chez qui Sarko aimait à passer des vacances, il a gardé d'excellentes relations avec son richissime ex-beau-père. Ses amis, parmi lesquels Patrice de Maistre, le fondé de pouvoir de Mme Bettencourt, sirotent en sa compagnie un drink au Polo de Paris, dans le bois de Boulogne. Ou fument un cigare avec ses amis de l'Association d'entraide de la noblesse française. Ou chassent en Sologne, en Russie et en Afrique. Ou encore exhibent leur chapeau lors du Prix de Diane (sponsorisé par Hermès, dont Mme Woerth vient d'intégrer le conseil de surveillance), sur les pelouses de Chantilly. Woerth est le maire de la commune des princes de Condé, où son épouse a monté une écurie avec d'autres dames argentées. Echange de bons procédés entre amis, Sérigny, à l'occasion, est de bon conseil pour souffler à son ministre les noms des citoyens méritants qui rêvent de la Légion d'honneur.
Sérigny dément tous les affirmations faites précédemment, les réunions qu'il reconnaît organiser le sont dans le cadre de sa « mission totalement bénévole » et « en aucun cas pour le compte de l'UMP ». il s'agit seulement, précise-t-il, de permettre au ministre « d'appréhender la situation économique et financière des sociétés françaises à travers des exemples concrets ». Avec un pareil professeur, Woerth est sauvé.

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