lundi 23 février 2015

Allo j'écoute

Les écoutes réalisées hors la loi par des services de l’Etat sont monnaie courante. Pas vu, pas pris, grâce à une petite merveille de technologie : l'Imsi-catcher. Le fonctionnement de cette machine, qui tient dans une valise, repose sur un stratagème simple : l'appareil devient un vrai relais de téléphonie mobile et intercepte toutes communications qui sont à sa portée. Pas besoin de passer par les opérateurs. Aucune trace, aucun contrôle.
Le modèle de base ne sert qu'a identifier des numéros de téléphone, mais les plus perfectionnés (à plusieurs centaines de milliers d'euros l'unité) permettent de capter SMS, le contenu des conversations et le trafic Internet. La police judiciaire, les barbouzes, l'armée, la gendarmerie et les douanes ont droit à cette valise magique depuis quelques années. Ainsi, la DGSI (Renseignement intérieur) dispose d'une douzaine d'Imsi-catchers, dont plusieurs sont pourvus de toutes les options. Leurs propriétaires ont pris l'habitude de s'en servir à tort et à travers.

La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) s'est émue de ces violations de la loi. Dans son dernier rapport annuel, le président Jean-Marie Delarue, demandait de manière obscur aux services de bien vouloir « mettre fin à toute pratique illégale ». Au nom du secret-defense, Delarue a refusé d'en dire davantage sur ces « pratiques », mais plusieurs spécialistes des écoutes se sont fait un plaisir de décrypter ses propos « Bien entendu, ce sont les Imsi-catchers qui sont visés par le président de la CNCIS. A ma connaissance, la Commission n'a jamais eu une preuve formelle de leur utilisation illégale, mais personne n'est dupe. Les services de renseignement présentent les informations qu'ils ont obtenues de la sorte comme des tuyaux qui auraient été balancés par de mystérieux informateurs. »
L'imsi-catcher n'a jamais été autorisé pour les écoutes administratives, car ce système est jugé bien plus attentatoire aux libertés qu'une interception téléphonique classique. Et pour cause : cette technologie permet non seulement d'écouter un suspect, mais aussi tous les téléphones utilisés par les personnes qui se trouvent dans les alentours. Les services du renseignement intérieur s'assoient pourtant sur cette interdiction. Sans grand risque de se faire pincer, car la CNCIS ne dispose quasiment d'aucun moyen humain ou technologique pour contrôler les Imsi-catchers en circulation. La Commission est d'autant plus désarmée qu'elle ne peut pas réclamer l'interdiction totale de ces mallettes magiques. Elles servent aussi légalement dans le cadre des écoutes judiciaires. Et elles rendent alors, sous le contrôle d'un juge, de précieux services. Par exemple, ils peuvent aider à retrouver des personnes séquestrées grâce à la géolocalisation très poussée offerte par cette technologie.
Petit bonus amusant, cette technologie donne également la possibilité d'identifier les « toc », ces « téléphones occultes » utilisés par certains suspects. Sarko en a fait les frais en 2013 : c'est un Imsa-catchers qui a permis de découvrir que l'ancien président se servait d'une ligne téléphonique ouverte au nom d'un Paul Bismuth...
Par pragmatisme, certains responsables politiques en sont réduits à demander la légalisation des écoutes administratives effectuées grâce à ces bijoux de technologie. Un rapport parlementaire remis en mai 2013 par les députés Jean-Jacques Urvoas (PS) et Patrice verchère (UMP) suggérait que leur utilisation reste « très exceptionnelle » et sois soumise au « contrôle continu d'une autorité extérieure ». Bien sur, c'est comme si c'était fait...