vendredi 19 mars 2010

L'hypocrisie française face à l'encontre des paradis fiscaux

Personne n'exige rien des entreprises qui adorent ces pays refuges.


La France est intraitable avec les paradis fiscaux. La preuve, récemment elle vient de publier une « liste noire » des pays dits « fiscalement non coopératifs ». Un pavé dans la mare. Sauf que, remarquent les experts, les 18 Etats mis à l'index sont surtout de petites îles des Antilles et du Pacifique qui n'abritent que peu de fonds français. Pas question de stigmatiser nos influents voisins comme le Luxembourg, l'Irlande, la Suisse, ni de s'en prendre aux chasses gardées de la Grande-Bretagne (les îles Anglo-Normandes), des Etats-unis (Delaware, Oklahoma), de la Chine (Hongkong, Singapour) ou de la France (Monaco).

Depuis le début de la crise, Sarkozy n'a pourtant pas été avare de grandes phrases ou de coups de coude. « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est terminé!! », a-t-il dit à Laurence Ferrari et à David Pujadas le 22 octobre à la veille du G20 de Pittsburgh. Six mois plus tôt, au G20 de Londres, il proclamait déjà « L'ère du secret bancaire est révolue ». Alors fini le triangle des Bermudes de l'économie mondiale, refuge de la corruption, de l'argent sale, et des produits financiers ?. Terminé, cet montagne de milliards de recettes fiscales que les contribuables non initiés finissent toujours par compenser ?. Un récent ouvrage du journaliste Xavier Harel, « La grande évasion » (éditions LLL), apporte la réponse que tout le monde sait : rien n'a changé ni ne changera dans un proche avenir. Pourquoi ? c'est évident, personne ou presque ne le souhaite.

La sincérité de Sarkozy laisse d'ailleurs dubitatif. Avocat durant une courte période de sa vie, il a parfois, écrit l'auteur « accompagné des clients vers des cieux fiscaux plus cléments ». Et de citer un proche du banquier suisse Jacques Heyer (condamné en 2005 pour abus de confiance) qui se souvient des visites régulières de l'avocat Sarko à Heyer, en compagnie du tenisman Henri Leconte, lui même réfugié fiscal en suisse. Ministre du budget, Sarko a été confronté encore plus directement à la trouble réalité des paradis fiscaux. Selon une note d'un service de police contenue dans le dossier d'instruction du fameux marché des frégates de Taïwan, il a donné son aval, en 1994, à la création d'une société écran luxembourgeoise, Heine SA. Un moyen discret de verser des commissions à un intermédiaire Andrew Wang. Et surtout, depuis le début de la crise, Sarko a fort peu traduit ses promesses en actes. A la fin 2008, il avait averti que les banques ayant des liens avec les paradis fiscaux seraient exclues du plan de sauvetage. Auditionné en février 2009 par la commission des Finances de l'assemblée, Baudouin Prot, directeur général de la BNP et premier bénéficiaire de ce plan l'a reconnu, « La question des paradis fiscaux n'a jamais été abordée par les pouvoirs publics ». La BNP était-elle concernée ? Un peu quand même avec 189 filiales dans ces pays refuges.

Si l'on pousse un peu les recherches, elle n'est pas seule. Tout le CAC 40 les fréquente. France Telecom y entretient 63 antennes, LVHM 140, le groupe Pinault 97, Lagardère 55 ect. D'après les calculs de Danièle Lebègue, ex-directeur du trésor, le manque à gagner fiscal correspond à une dizaine de milliard par an. Cette mise au vert n'est pas toujours frauduleuse. Il n'y a d'infraction que si les filiales en question ont une activité fictive ou si elles aident leurs clients à dissimuler leurs revenus. Ce que font certaines banques philanthropes. Selon les statistiques de la Banque de France, les actifs français gérés par des banques tricolores dans les paradis fiscaux atteignaient 532 milliards de dollars en 2008. Tous les fonds ne sont peut-être pas douteux, mais le fisc rêve sûrement d'ouvrir certains de ces coffres paradisiaques.


Le pillage d'un contient ne fait pas bouger les choses non plus

Chaque année, plusieurs milliards quittent l'Afrique pour trouver refuge dans les paradis fiscaux. Mais la France ne lutte guère contre ce pillage du continent. Ses banques accueillent même une partie de ces sommes. Et les responsables de cette évasion dépensent beaucoup aussi dans l'Hexagone. D'où les réticences du gouvernement français à restituer les avoirs et biens mal acquis de certains milliardaires africains.

Exemple avec ce magot de 100 millions appartenant au dictateur nigérian déchu, Sani Abacha. En 2006, raconte le journaliste Xavier Harel, la France a refusé la demande présentée par le Nigeria. Elle n'était pas formulée en français comme le voulait la convention entre les deux pays... Même refus de céder 23,5 millions d'euros placés par Saddam Hussein à la Banque de France, alors que la plupart des Etats (dont la Suisse et le Luxembourg) ont rendu l'argent de l'ex-dictateur. Le soutien direct de l'Elysée à divers régimes africains, complique la récupération des fonds.

En 2004, lorsque Edith Bongo, épouse du président du Gabon, s'offre une voiture de luxe Maybach 57 en puisant dans le compte du trésor public gabonais ouvert à la Banque de France, celle-ci n'y trouve rien à redire. En juin 2007, une plainte concernant des dizaines de millions de « bien mal acquis » achetés, en France, par plusieurs de ces amis et du pétrolier Total (les présidents Bongo, Sassou Nguesso (Congo), Obiang (Guinée équatoriale) ou Dos Santos (Angola), est aimablement classée par le parquet. Une autre plainte est déposée et jugée recevable par la justice. Mais le parquet la bloque encore en faisant appel. Le dossier est en cassation. Faute de rivaliser avec les paradis fiscaux, la France se console en abritant ces fortunes si honnêtement gagnées.