samedi 22 octobre 2011

Les paradis fiscaux qui font de l'ombre à la Suisse

Moins célèbre que la Suisse, l'Autriche gagne à être connue avec sa pratique du secret bancaire. A la différence de Genève, on n'y parle pas le français mais à vienne les fonctionnaires du fisc et les juges sont d'un laxisme impressionnant. De la confidence même d'un haut fonctionnaire de Bercy, aucun agent de la Direction nationale des enquêtes fiscales n'est encore parvenu à y coincer un contribuables français.

Au Luxembourg, l'anonymat des comptes est également préservé, mais les autorités locales font parfois du zèle et répondent aux enquêtes judiciaires. Par contre, pour échapper à la taxation sur les plus-values, le grand-Duché reste un placement de qualité. Il suffit de relever le nombre de filiales que les banquiers et assureurs hexagonaux y abritent.

Les Pays-Bas ignorent aussi l'impôt sur les plus-values. Le gouvernement français s'en accommode très bien. D'ailleurs, sous le règne de Jospin et de DSK, à l'occasion de la privatisation de l'Aérospatiale et de la création d'EADS, Paris avait autorisé la nouvelle entreprise à installer son siège social à Amsterdam. Presque toutes les grandes sociétés françaises y possède une ou plusieurs filiales.

Pour ne plus être inquiété par les droits de succession, une domiciliation fiscale en Belgique offre le rempart idéal. Bruxelles n'est qu'a une heure trente en TGV de Paris. Certes, les taux d'impôts sur le revenu sont les mêmes qu'en France, mais ce n'est pas un hasard si tant d'héritiers de grandes fortunes françaises, tant de traders riches de leurs bonus ou de cadres dirigeants bénéficiaires de stock-option s'y sont installés. L'affaire se fait en deux temps. Il faut d'abord créer une société holding qui détiendra tous les avoirs des parents. Puis de transférer, par acte sous seing privé, les actions de ladite holding à ses héritiers. Un avocat bruxellois vous le fait en une heure. Et, comme les transferts de parts d'une société de droit belge n'ont pas à être enregistrés par l'administration fiscale locale, le tour est joué. Et les droits de succession effacés. La société a changé de propriétaire ni vu ni connu.

Pour les spécialistes de montages sophistiques, la Grande-Bretagne offre une solution. La UK Agency Company qui allie les avantages fiscaux d'une société domiciliée dans un paradis fiscal à l'honorabilité d'une entreprise normale. La législation anglaise prévoit qu'une société propriétaire d'une autre, elle-même implantée dans un paradis fiscal, ne soit imposable à un taux de 21% que sur 5% de son bénéfice. Soit un taux d'imposition réel de 1%. Plutôt que de posséder une société forcément suspecte aux îles Caïmans ou même Anglo-normandes, mieux vaut donc en créer une à Londres dont le capital est détenu par une autre, installée elle dans un paradis fiscal. Les bénéfices réalisés par ladite société, insoupçonnable par le fisc français car immatriculée à Londres, remontent automatiquement jusqu'à celle situé dans les Caraïbes ou ailleurs. Et ils ne sont donc imposés qu'a 1%. Un record d'évasion fiscal difficile à battre aussi bien en Europe qu'ailleurs.

mardi 6 septembre 2011

Des milliards que l’Europe ne va jamais voir

Pour seulement la France, où les fraudeurs à la TVA sont légion, jusqu'à 15 milliards. Soit six fois le montant de l'ISF (Impôts sur la Fortune)


Le chiffre sont impressionnants : en Europe, les fraudes à la TVA représentent entre 100 et 112 milliards d'euros par an. Cette estimation figure dans une récente étude d'Europol, organe de coordination policière entre les divers pays de l'Union Européenne. La commission européenne estime qu'environ 10% du volume global de la TVA ne finisse pas dans les caisses publiques. En Allemagne, une étude a établi que la fraude privait l'Etat de quelque 18 milliards par an. En France, le ministère du Budget s'appuie sur un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires datant de mars 2007, qui évalue l'évaporation à environ 8,1 milliards. Mais pour le Syndicat national unifié des impôts, l'addition atteindrait aujourd'hui 15 milliards par an.

La majorité de cette fraude provient du commerce entre les différents pays de l'Union européenne. Depuis la mise en place du marché unique, le 1er janvier 1993, les marchandises exportées d'un pays vers un autre ne font plus l'objet d'aucun contrôle lors du passage des frontières. Lorsqu'une société française vend un produit à une entreprise allemande, elle a pour seule obligation de signaler au fisc l'identité (sous forme de numéro d'immatriculation) de l'acheteur. L'exportation se fait au prix hors taxes, et c'est l'acheteur allemand qui doit régler la TVA au fisc germanique, lequel aura été informé de la transaction par l'administration fiscale française.

Jusque-là tout va bien. Mais l'importateur peut être une société bidon créée pour l'importation en question. Juste le temps de revendre à un autre acheteur allemand (un vrai celui-là) en lui facturant la TVA puisqu'il n'y a pas, cette fois exportation. Une TVA dont le fisc ne verra jamais la couleur. Lorsqu'il s'en inquiétera, dans un délais en moyenne de deux mois, la société intermédiaire aura disparu. C'est la méthode dite du « carrousel ». Sur la vente d'un ordinateur à 1000 euros par exemple, le « gain » atteint près de 200 euros. La société factice partage ce bonus avec un éventuel complice (le vendeur français ou le deuxième acheteur allemand). Parfois, la transaction est même complètement fictive et se borne à un échange de fausses factures. Les marchandises ne quittent alors jamais la France, où elles sont revendues sous le manteau à prix « cassé », grâce à la marge supplémentaire dégagée par l'absence de TVA.

« La méthode du carrousel se pratique surtout sur les biens de faible volume et de forte valeur, comme les téléphones mobiles, les composants électroniques ou les parfums », explique un porte-parole de la Commission Européenne. Comme dans ce réseau de fraude entre la France, la Grande-Bretagne et la Pologne, portant principalement sur des téléphones portables et du matériel informatique, récemment démantelé. En France, la Direction générale des impôts évalue l'évaporation fiscale à un demi-milliard d'euros pour le seul circuit européen. Autre biens ciblés, les voitures d'occasion. Selon les estimations de professionnels, de nombreux garagistes français réalisent un bénéfice supplémentaire de plusieurs milliers d'euros en acquérant en Allemagne un véhicule d'occasion haut de gamme. L'astuce de cette source financière, l'Allemagne est le seul pays européen où les exportateurs de voitures d'occasion se voient rembourser la TVA.

Concrètement, le fisc allemand restitue à l'exportateur le montant de la TVA locale (19%). Soit, par exemple, 5700 euros sur un véhicule presque neuf mais revendue à un Français 30000 euros. Laquelle transite alors fictivement, il ne s'agit que d'un échange de facture par l'Espagne, puis « revient » en France. Côté français, les véhicules immatriculés depuis plus de six mois et ayant parcouru plus de 6000 km ne sont plus soumis à la TVA, car ils sont censés l'avoir été lors de l'achat en Espagne. Pour faire simple : la voiture sort d'Allemagne, permettant ainsi à l'exportateur d'encaisser un bon paquet de TVA, puis transite fictivement par l'Espagne, le temps de se refaire une santé fiscale, pour enfin rentrer en France sans taxes. Il ne reste plus qu'a partager entre l'exportateur allemand et l'acheteur français la TVA perçue en Allemagne.

En juin, un garagiste du Jura a été condamné pour une fraude de ce type. En trois ans, ce modeste professionnel avait privé le fisc de 3,5 millions d'euros de TVA. Et il a déclaré aux autorités qu'il connaissait « des centaines d'entreprises » en France qui pratiquaient le même sport. Face à l'importance de l'escroquerie, Bruxelles expérimente depuis 2009, avec les pays volontaires et dans un nombre limité de secteurs, un nouveau système : la TVA est payée en une seule fois lors de la vente finale, non par le vendeur, toujours susceptible de disparaître, mais par l'acheteur. Les fraudeurs vont bien trouver la parade...


Le gaz fiscal


Les fraudeurs à la TVA sont de farouches partisans de la lutte contre le réchauffement climatique. Car ils en profitent largement, avec l'arnaque sur les certificats de CO2. Gain au niveau européen : plus de 5 milliards d'euros, selon un rapport d'Europol publié en mai dernier. Le plus étonnant est qu'il n'y a pas besoin de faire de gros investissements : un ordinateur et une connexion Internet suffisent.

Chaque entreprise européenne est autorisée à rejeter gratuitement une certaine quantité de CO2 dans l'atmosphère. Mais si elle dépasse son quota de rejet, une amende tombe. A moins d'acheter à une autre entreprise qui elle, ne « consomme » pas tout son quota, des droits à polluer, payés de 10 à 15 euros la tonne de CO2 émise. Plusieurs marchés d'échange de quotas de carbone existent ainsi en Europe.

Les fraudeurs ont rapidement trouvé un moyen d'en tirer profit. Ils achetaient, depuis Internet des quotas à l'étranger, et donc sans payer la TVA, avant de les revendre, toujours sur Internet, sur le marché national en y ajoutant la TVA. Et ils la gardaient avant de disparaître dans la nature. En quelques clics, on pouvait gagner pas mal d'argent. Hélas, depuis 2009, c'est à l'acheteur de quotas et non au vendeur d'acquitter la TVA. « Aujourd'hui la fraude a pratiquement disparu », assure un porte-parole de la Commission Européenne. C'est comme ça qu'on tue le commerce.

lundi 4 juillet 2011

Flicage généralisé

Il pourra toujours dire qu'il l'a fait. Trois mois avant de quitter la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), il a poussé la sonnette d'alarme. Alex Türk était aux commandes de cet organisme depuis 2004.

Comme il tient toujours à garder son siège de sénateur centriste et que le cumul est désormais interdit, il va laisser son poste. Sans doute à plus policé que lui, car Türk parle clair. Pour accompagner le livre qu'il vient de publier, « La vie privée en péril », il multiplie les interviews choc, où il explique : « Ce qui nous attend est bien pire que Big Brother, car Big Brother était un système centralisé, on pouvait se rebeller contre lui. Or, aujourd'hui nous assistons à la multiplication des Nano Brother (capteurs, puces électroniques dans les cartes et les portables). Ce sont là des outils de surveillance multiples, disséminés, parfois invisibles. On ne sait pas qui collecte les données, ni dans quel but, ni pour combien de temps. Prenons l'exemple des puces RFID (de l'anglais Radio Frequency Identification) qui permettent aujourd'hui de géolocaliser les marchandises. Leur usage va probablement s'étendre. A terme, les individus consentiront sans doute, eux aussi, à être tracé en permanance. Nous allons assister à un développement massif et pernicieux des puces électroniques. »

Et, comme il le dit dans son livre, l'autre problème est que « nombre de dispositifs mis en place ou en cours d'installation pour répondre à l'exigence de sécurité sont très largement irréversibles ». Biométrie, vidéo-flicage, géolocalisation, traçage, puçage...

Tout cela est en marche. Et la Cnil, dont l'existence rassure mais qui n'a ni grands moyens ni soutien politique (à Sarkoland, tous les flicages sont bienvenus) a juste un pu freiné cette avancée triomphante...

jeudi 26 mai 2011

125 ans de bulles et aussi...

Coca-Cola vient de fêter ses 125 ans d'existence. L'entreprise est depuis longtemps le parfait exemple de ces multinationales qui dominent la planète, guidées par la soif de profits.

Coca-Cola est aujourd'hui le premier producteur mondial de boisson non alcoolisées, représenté par environ 400 marques. Plus d'un milliard de canettes et bouteilles sont consommées chaque jour dans le monde. En 2010, son bénéfice net a progressé de 18% atteignant 6,78 milliards de dollars. Mais ce succès repose sur des réalités et pratiques que Coca ne se vante pas.

La multinationale a notamment ouvert dans les années 2000 une cinquantaine d'unités de production en Inde qui, avec un milliard d'habitants, représente un marché immense. Pour faire fonctionner ces usines, il a obtenu l'autorisation de forer des puits, pompant quotidiennement plus de 500 000 litres d'eau (il faut en effet neuf litres d'eau pour produire un litre de coca). Or depuis 2003, la population se mobilise sur un site de l’État indien du Kerala, accusant Coca de puiser abusivement dans les nappes phréatiques : les villageois sont privés d'eau pour leur usage domestique et pour l'agriculture. De plus, Coca rejette des eaux polluées. Dès son implantation, les habitants ont eu des problèmes de peau et des difficultés respiratoires. Le 24 février dernier, l’État du Kerala a entamé une procédure pour obtenir des compensations pour ces dégâts, que l'entreprise nie toujours.

Sur un autre contient, en Colombie, elle est accusée par un syndicat d'avoir fait appel à des sociétés paramilitaires privées, non seulement pour assurer la protection de ses sites dans un pays où la criminalité est importante, mais aussi pour y faire assassiner huit militants syndicaux, ou à tout le moins avoir fermé les yeux avec bienveillance sur ces assassinats. Et il y a deux cas comparables en Turquie.

Les conditions de travail des enfants au Salvador, dans les champs de canne à sucre dont Coca-cola est un grand consommateur, lui ont été reprochées, ainsi que celles de ses employés indiens exposés à des produits chimiques toxiques.

En France, la multinationale possède plusieurs sites de production. En 2008, ceux de Marseille et de Grigny dans l'Essonne, où les ouvriers travaillent en 3x8, ont fait grève pour des augmentations de salaires : ils ne parviennent à un revenu décent que grâce aux primes d'équipe et à la majoration de 40% pour le travail de nuit.

L'un des slogans publicitaire de Coca-Cola dit « Pour que chaque goutte compte », mais les actionnaires peuvent ajouter en leur fort intérieur... et rapporte du profit. Les 125 ans célébrés à Atlanta ne servent pas à autre chose.

dimanche 1 mai 2011

Le bouclier fiscal TOTAL

C'est à l'étranger que le groupe fait son bénéfice. En France, grâce à ses déficits, il méprise le percepteur.


Christine Lagarde a annoncé le 11 avril que les compagnies pétrolières allaient être taxées de 115 millions d'euros pour baisser le prix de l'essence qui flambe. Formidable effort : la ponction représente à peine 1% des 10,2 milliards de bénéfices mondiaux réalisés en 2010 par Total. Bénéfices sur lesquels le groupe ne paie pas un sou d'impôt en France. Mais pourquoi Total arrive en toute légalité, à éviter la case percepteur ? Tout simplement parce que le groupe ne fait pas de profit dans l'Hexagone. L'essentiel il le réalise dans le secteur de la production. Et ce sont les États du Moyen-Orient, d'Afrique, voire d'Europe, où il extrait son pétrole et son gaz, qui encaissent non seulement le prix du brut, mais aussi l'impôt sur les sociétés et de lourdes taxes. Comme en Norvège où la facture totale se monte à 78% des bénéfices. Les princes saoudiens, présidents africains et autres, auxquels Total règle en tout 10 milliards d'impôt, doivent une fière chandelle à l'automobiliste français. Car, dans l'Hexagone se trouvent des raffineries tellement déficitaires qu'elles réussissent à engloutir tout le bénéfice des stations-services. Résultat des courses, une perte de 16 millions, et par conséquent pas un euro d'impôt à régler.

Total a connu des périodes plus fastes en France. Pour honorer sa facture fiscale de façon plus avantageuse, la compagnie faisait jouer à fond une facilité de paiement appelée « bénéfice mondial consolidé ». Après autorisation de Bercy, les groupes français peuvent, pendant une période allant de trois à cinq ans, déduire de leurs bénéfices en France les pertes enregistrées à l'étranger. Petit exemple : Total gagne 2 milliards sur le territoire national mais es déficitaire de 1 milliard en Arabie, à la suite d'investissements réalisés pour ouvrir un champ de pétrole. Le groupe paiera en France son impôt (à 34%) non sur 2 milliards, mais sur 1 milliard seulement. Soit un gain de 340 millions d'euros.

Il ne s'agit que d'une avance de trésorerie. Si, avant la fin de la période de trois à cinq ans, la compagnie pétrolière refait des profits à l'étranger, il lui faudra rembourser. Dans le cas contraire, l'ardoise sera effacée. Le conseil des prélèvements obligatoires souligne ainsi qu'en 2007 et 2008 Total a versé au fisc 516 millions d'impôts non réglés, les années précédentes, par des filiales étrangères en perte, à la suite de lourds investissements. Mais, quand ceux-ci ont commencé à produire des bénéfices, il a bien fallu dédommager le fisc. Pas facile de rester toujours dans le rouge...

Cet agréable régime a connu ses plus beaux jours dans les années 90 et, surtout en 2001. alors que Laurent Fabius était ministre des Finances, l'Etat a exonéré une dizaine de grands groupes parmi lesquels Renault, Peugeot, saint-Gobain, Areva, Lafarge, etc. En tout 1,5 milliard. Aujourd’hui, ce système fiscal ne compte plus que quatre bénéficiaires dont la radio NRJ et Euro Média Group, l'ancienne SFP publique contrôlée par Boloré, et seulement deux grands groupes : Total et Vivendi. Mais le « bénéfice mondial consolidé » (pour information le Cour des comptes a demandé sa suppression dans son rapport de février 2010) prive encore le fisc d'un demi-milliard de rentrées par an. Vivendi (2,6 milliard de bénéfices en 2010) a ainsi enregistré des pertes aux Etats-unis (Seagram, universal, etc). En 2004, la boite a fort opportunément obtenu de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, l'agrément pour profiter du système. Résultat espéré, une diminution de 3,8 milliard de ses impôts réglés en France. Le patron de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, se bat comme un beau diable pour obtenir un prolongement de trois ans de ce régime fiscal très miraculeux.


Une astuce encore plus forte


Encore plus fort que le « bénéfice mondial consolidé », les entreprises utilisent aujourd'hui un autre gadget fiscal pour diminuer les montant de leur impôt : l' « intégration fiscal ». Ce régime permet lui aussi de déduire des bénéfices de la société mère les pertes de ses filiales. Et avec un gros avantage, puisqu'il est possible de modifier chaque année la liste des filiales concernées. Et de n'intégrer ainsi que celles qui, en perte, peuvent réduire l'ardoise de la société mère. Selon le conseil des prélèvements obligatoires, ce « régime est en pleine croissance ». En 2008, le système privait déjà les caisses publiques de 19,5 milliards d'euros. Et le nombre des sociétés bénéficiaires (80 000 cette année-là) a pratiquement doublé en cinq ans. Mais pourquoi donc ?

jeudi 3 mars 2011

Papa MAM en voyage d’affaires

La Tunisie en pleine révolution, le clan Alliot-Marie faisait des affaires avec le clan Ben-Ali. L’achat de la totalité des parts d’une société civile immobilière appartenant au milliardaire Aziz Miled.

MAM nous avait déjà bien fait rire avec son histoire dit « du jet-stop ». Pour ceux qui ont oublié, l’ami Aziz Miled passait juste par là avec son avion, un Challenger presque vide sur le tarmac. Il avait proposé de déposer toute la famille à Tabarka, où (nouvelle coïncidence) il se rendait également. Mais la vérité est encore plus amusante. Non seulement, la rencontre entre le puissant homme d’affaires de la nébuleuse Ben Ali et la ministre des Affaires étrangères n’avait rien de fortuit, mais MAM, fille attentionnée, joignait l’utile à l’agréable et accompagnait aussi ses parents en voyage d’affaires.

Car, pendant la révolution et la répression, le business continu c’est connu. Le 30 décembre 2010, Ben Ali, une grosse épine dans le pied, est obligé de remanier son gouvernement. Les « troubles » de plus en plus violents, durent depuis douze jours. Pourtant ce 30 décembre à 11 heures du matin, deux employés de la commune de Tabarka franchissent, à l’abri des regards la porte de l’hôtel Sentido Beach avec, sous le bras, des registres de la mairie sur lesquels sont répertoriées les ventes des biens immobiliers ou de sociétés. Des documents qui ne doivent pas quitter les locaux municipaux. En principe seulement. Mais la transaction qui amène les deux employés doit rester secrète. Et, l’hôtel étant la propriété du milliardaire Aziz Miled, associé du beau-frère et de tous les gendres de Ben Ali, le maire a l’obligation de regarder ailleurs. D’autant que l’opération en cours concerne personnellement le grand patron.

Aziz Miled et son fils Karim sont en effet propriétaires d’une société civile immobilière, Ikram, dans laquelle figurent aussi, comme actionnaires minoritaires avec environ 13% du capital, Bernard Marie et son épouse, les parents de MAM. Ainsi, les liens d’amitié qui unissent les deux familles sont encore renforcés par l’immobilier. Depuis des années, les époux Marie sont en affaires avec Miled, proche de Ben Ali et soutien du régime. Et il n’est pas vraiment question de rupture : les Miled vendent ce jour-là, la totalité de leurs parts de cette SCI à Bernard et Renée Marie, respectivement 94 et 92 ans.

Une opération forcément préparée de longue date. En Tunisie, la cession d’un bien immobilier n’est pas une simple formalité. Surtout quand l’acquéreur est étranger. Il faut impérativement l’accord du gouverneur du secteur, lui-même sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Une procédure qui prend beaucoup de temps, à moins que pour les Marie et leurs vendeurs bien placés, on n’ait un peu brulé les étapes. A l’époque, tout était possible pour les proches du régime. C’est en présence du directeur de l’Hôtel qu’a eu lieu la signature. Pendant que ses parents tendaient leurs passeports français aux deux préposés de la mairie, MAM se trouvait à quelques mètres de là, chez le coiffeur de l’hôtel.

Le montant exact de la transaction n’est pas connu car l’acte reçu par l’employé municipal ne mentionne que la valeur nominale des parts, soit 755 00 dinars, environ 325 000 euros. La somme réellement payée peut être très largement supérieur. Autre zone d’ombre, que détient cette SCI dont les époux Marie deviennent, ce jour-là, les uniques propriétaires ? MAM répond face à cette question (et aux autres) : « Les éventuelles transactions effectuées par mes parents ne me concernent en rien ». Il ne s’agit sans doute pas de « biens mal acquis », juste acquis au plus mauvais moment…

vendredi 28 janvier 2011

Les cachotteries de Renault

Renault voulait étouffer l’affaire d’espionnage en douceur. C’est ce qu’affirment les agents de la DCRI, dans une note de deux pages adressée à Brice Hortefeux. Elle a été rédigée le 7 janvier, à la suite de la rencontre d’un sous-directeur du service de contre-espionnage avec des dirigeants de Renault. Egalement destinataire de cette note, le ministre de l’Industrie, Eric Besson, a fait passé un sale quart d’heure vendredi, au numéro 2 du groupe, Patrick Pélata. « Ça a été viril », affirme un témoin.

Le ministre était particulièrement énervé d’avoir été baladé trois jours auparavant, lors de sa longue visite au technopôle de Renault, à Guyancourt. Les futures voitures électriques du groupe lui avaient alors été présentées, mais personne ne lui avait soufflé un mot sur l’affaire des fuites. Ils avaient pourtant pris soin, lundi, veille de la visite, de virer en express les trois hauts cadres soupçonnés d’espionnage. Pour éviter de les retrouver en photo à côté du ministre ?. L’adjoint du directeur du projet « Véhicule électrique » de Renault, qui fait partie des suspects, aurait en effet dû accueillir Besson. On imagine la tête du ministre s’il avait appris, quelques semaines plus tard, que sa visite avait peut-être été cornaquée par un dangereux espion.

C’est le refus d’un des cadres de se laisser expulser tranquillement de son bureau, et cela devant des centaines de collègues, qui a contraint Renault à révéler l’affaire dans un communiqué, mercredi 5 janvier. Le ministre lui n’a été prévenu que deux heures avant la publication par Patrick Pélata. L’Etat détient pourtant 15 % du capital du groupe. « Renault a passé son temps à faire de la rétention d’informations. On a l’impression qu’ils ont cherché à nous enfumer », soupire un connaisseur du dossier. « Ils voulaient clairement étouffer l’affaire en interne par une transaction amiable ». Comme la bonne vieille tradition des banques. Quand un employé indélicat se fait prendre, on le vire en douceur pour ne pas ternir la réputation de la maison…

Lorsque les dirigeants du groupe ont découvert l’affaire fin août, grâce à la dénonciation d’un autre salarié, ils ont saisi une officine privée, dont Renault refuse de donner le nom. Selon la note de la DCRI, cette enquête privée a révélé que deux des cadres avaient ouvert des comptes en suisse et au Liechtenstein. Lesquels avaient été alimentés par un producteur chinois d’électricité à hauteur de 130 000 euros pour l’un et de 500 000 euros pour l’autre, comme l’a écrit « Le Figaro » le 11 janvier. Un troisième cadre aurait bénéficié d’un versement mensuel de 5000 euros.

Pour justifier ce mutisme étonnant, un cadre de Renault explique : « Le groupe veut s’implanter en Chine, où, contrairement aux constructeurs mondiaux, il est absent. Dénoncer bruyamment une affaire d’espionnage industriel n’aurait pas été la meilleure manière d’entamer une négociation. »

Maintenant c'est un peu raté.