jeudi 26 mai 2011

125 ans de bulles et aussi...

Coca-Cola vient de fêter ses 125 ans d'existence. L'entreprise est depuis longtemps le parfait exemple de ces multinationales qui dominent la planète, guidées par la soif de profits.

Coca-Cola est aujourd'hui le premier producteur mondial de boisson non alcoolisées, représenté par environ 400 marques. Plus d'un milliard de canettes et bouteilles sont consommées chaque jour dans le monde. En 2010, son bénéfice net a progressé de 18% atteignant 6,78 milliards de dollars. Mais ce succès repose sur des réalités et pratiques que Coca ne se vante pas.

La multinationale a notamment ouvert dans les années 2000 une cinquantaine d'unités de production en Inde qui, avec un milliard d'habitants, représente un marché immense. Pour faire fonctionner ces usines, il a obtenu l'autorisation de forer des puits, pompant quotidiennement plus de 500 000 litres d'eau (il faut en effet neuf litres d'eau pour produire un litre de coca). Or depuis 2003, la population se mobilise sur un site de l’État indien du Kerala, accusant Coca de puiser abusivement dans les nappes phréatiques : les villageois sont privés d'eau pour leur usage domestique et pour l'agriculture. De plus, Coca rejette des eaux polluées. Dès son implantation, les habitants ont eu des problèmes de peau et des difficultés respiratoires. Le 24 février dernier, l’État du Kerala a entamé une procédure pour obtenir des compensations pour ces dégâts, que l'entreprise nie toujours.

Sur un autre contient, en Colombie, elle est accusée par un syndicat d'avoir fait appel à des sociétés paramilitaires privées, non seulement pour assurer la protection de ses sites dans un pays où la criminalité est importante, mais aussi pour y faire assassiner huit militants syndicaux, ou à tout le moins avoir fermé les yeux avec bienveillance sur ces assassinats. Et il y a deux cas comparables en Turquie.

Les conditions de travail des enfants au Salvador, dans les champs de canne à sucre dont Coca-cola est un grand consommateur, lui ont été reprochées, ainsi que celles de ses employés indiens exposés à des produits chimiques toxiques.

En France, la multinationale possède plusieurs sites de production. En 2008, ceux de Marseille et de Grigny dans l'Essonne, où les ouvriers travaillent en 3x8, ont fait grève pour des augmentations de salaires : ils ne parviennent à un revenu décent que grâce aux primes d'équipe et à la majoration de 40% pour le travail de nuit.

L'un des slogans publicitaire de Coca-Cola dit « Pour que chaque goutte compte », mais les actionnaires peuvent ajouter en leur fort intérieur... et rapporte du profit. Les 125 ans célébrés à Atlanta ne servent pas à autre chose.

dimanche 1 mai 2011

Le bouclier fiscal TOTAL

C'est à l'étranger que le groupe fait son bénéfice. En France, grâce à ses déficits, il méprise le percepteur.


Christine Lagarde a annoncé le 11 avril que les compagnies pétrolières allaient être taxées de 115 millions d'euros pour baisser le prix de l'essence qui flambe. Formidable effort : la ponction représente à peine 1% des 10,2 milliards de bénéfices mondiaux réalisés en 2010 par Total. Bénéfices sur lesquels le groupe ne paie pas un sou d'impôt en France. Mais pourquoi Total arrive en toute légalité, à éviter la case percepteur ? Tout simplement parce que le groupe ne fait pas de profit dans l'Hexagone. L'essentiel il le réalise dans le secteur de la production. Et ce sont les États du Moyen-Orient, d'Afrique, voire d'Europe, où il extrait son pétrole et son gaz, qui encaissent non seulement le prix du brut, mais aussi l'impôt sur les sociétés et de lourdes taxes. Comme en Norvège où la facture totale se monte à 78% des bénéfices. Les princes saoudiens, présidents africains et autres, auxquels Total règle en tout 10 milliards d'impôt, doivent une fière chandelle à l'automobiliste français. Car, dans l'Hexagone se trouvent des raffineries tellement déficitaires qu'elles réussissent à engloutir tout le bénéfice des stations-services. Résultat des courses, une perte de 16 millions, et par conséquent pas un euro d'impôt à régler.

Total a connu des périodes plus fastes en France. Pour honorer sa facture fiscale de façon plus avantageuse, la compagnie faisait jouer à fond une facilité de paiement appelée « bénéfice mondial consolidé ». Après autorisation de Bercy, les groupes français peuvent, pendant une période allant de trois à cinq ans, déduire de leurs bénéfices en France les pertes enregistrées à l'étranger. Petit exemple : Total gagne 2 milliards sur le territoire national mais es déficitaire de 1 milliard en Arabie, à la suite d'investissements réalisés pour ouvrir un champ de pétrole. Le groupe paiera en France son impôt (à 34%) non sur 2 milliards, mais sur 1 milliard seulement. Soit un gain de 340 millions d'euros.

Il ne s'agit que d'une avance de trésorerie. Si, avant la fin de la période de trois à cinq ans, la compagnie pétrolière refait des profits à l'étranger, il lui faudra rembourser. Dans le cas contraire, l'ardoise sera effacée. Le conseil des prélèvements obligatoires souligne ainsi qu'en 2007 et 2008 Total a versé au fisc 516 millions d'impôts non réglés, les années précédentes, par des filiales étrangères en perte, à la suite de lourds investissements. Mais, quand ceux-ci ont commencé à produire des bénéfices, il a bien fallu dédommager le fisc. Pas facile de rester toujours dans le rouge...

Cet agréable régime a connu ses plus beaux jours dans les années 90 et, surtout en 2001. alors que Laurent Fabius était ministre des Finances, l'Etat a exonéré une dizaine de grands groupes parmi lesquels Renault, Peugeot, saint-Gobain, Areva, Lafarge, etc. En tout 1,5 milliard. Aujourd’hui, ce système fiscal ne compte plus que quatre bénéficiaires dont la radio NRJ et Euro Média Group, l'ancienne SFP publique contrôlée par Boloré, et seulement deux grands groupes : Total et Vivendi. Mais le « bénéfice mondial consolidé » (pour information le Cour des comptes a demandé sa suppression dans son rapport de février 2010) prive encore le fisc d'un demi-milliard de rentrées par an. Vivendi (2,6 milliard de bénéfices en 2010) a ainsi enregistré des pertes aux Etats-unis (Seagram, universal, etc). En 2004, la boite a fort opportunément obtenu de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, l'agrément pour profiter du système. Résultat espéré, une diminution de 3,8 milliard de ses impôts réglés en France. Le patron de Vivendi, Jean-Bernard Lévy, se bat comme un beau diable pour obtenir un prolongement de trois ans de ce régime fiscal très miraculeux.


Une astuce encore plus forte


Encore plus fort que le « bénéfice mondial consolidé », les entreprises utilisent aujourd'hui un autre gadget fiscal pour diminuer les montant de leur impôt : l' « intégration fiscal ». Ce régime permet lui aussi de déduire des bénéfices de la société mère les pertes de ses filiales. Et avec un gros avantage, puisqu'il est possible de modifier chaque année la liste des filiales concernées. Et de n'intégrer ainsi que celles qui, en perte, peuvent réduire l'ardoise de la société mère. Selon le conseil des prélèvements obligatoires, ce « régime est en pleine croissance ». En 2008, le système privait déjà les caisses publiques de 19,5 milliards d'euros. Et le nombre des sociétés bénéficiaires (80 000 cette année-là) a pratiquement doublé en cinq ans. Mais pourquoi donc ?