vendredi 30 août 2013

Lutte ou pas contre le trafic de cigarettes

Les lobbys du tabac peuvent être rassurés, leurs intérêts sont bien gardés. Le 18 juillet au Sénat, un amendement socialiste a été rejeté : il portait sur la traçabilité des paquets de cigarettes. L'objectif est de lutter contre le trafic illicite de cigarettes. Mais l'idée dérange un peu les géants du tabac. Car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les ventes de cigarettes sous le manteau ne leur font pas vraiment de l'ombre : « Ce sont les fabricants qui organisent l'essentiel de ces filières pour éviter de payer les taxes » estime un expert. Les fausses Marlboro et autres contrefaçons ne représentent que 13% du commerce illicite. Le reste des clopes vendues au noir sont de vraies marques.
La preuve, en 2001, les quatre géants, Philip Morris, British American Tobacco, Imperial Tobacco et Japan Tobacco International ont été soumis à une enquête. Les services des fraudes de Bruxelles avaient démonté leurs filières parallèles. Des millions de paquets écoulés en douce. Après avoir déposé une plainte pénale de 150 pages devant la justice américaine, l'Union européenne avait préféré une aimable transaction à un retentissant procès : les fabricants ont dû sortir 1,9 milliard de dollars... depuis nos géants jouent les chevaliers blancs : Philip Morris (Marlboro) a mis en place son propre système de traçabilité, appelé Codentify. Mais les soupçons demeurent toujours. Japan Tobacco, qui fabrique notamment les Camel, a une nouvelle enquête sur le dos : il est soupçonné d'organiser une énorme contrebande en Syrie et au Moyen-Orient.
En décembre, le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, dégaine son arme fatale. Le projet de loi de finances rectificative prévoit d'instaurer une marque d'identification unique, sécurisée et indélébile sur chaque paquet de cigarettes. La meilleur c'est que ce système de traçabilité sera mis en œuvre par les fabricants de tabac. « C'est comme si on confiait le contrôle de la viande de cheval à Spanghero », ricane un lobbyiste. L'enjeu est pourtant énorme. En France, les ventes illicites de cigarettes représentent chaque année pour le fisc 2 milliards de manque à gagner. Au Sénat, le socialiste Jean-Jacques Mirassou et neuf autres élus PS ont donc proposé un amendement pour remettre le futur système de traçabilité dans les mains de l'Etat. Mais l'amendement n'a pas fait long feu, l'Etat devrait du coup payer les 80 millions annuels que coûtera le système. « Au Brésil, l'industrie paie, mais les autorités contrôlent totalement la technologie et les données recueillies », explique Luk Joossens, spécialiste internationale du trafic de cigarettes. Et il s'étonne « La France a signé la convention cadre de l'OMS qui prévoit que le système de traçabilité doit être totalement indépendant des fabricants ».
Plus étonnant encore, 18 sénateurs UMP, parmi lesquels Gérard Longuet, ancien ministre de la Défense, ont carrément proposé d'annuler le projet de traçabilité. Attention argument de choc : la technique retenue excluait certains fournisseurs de technologies. Cependant aucune technologie n'est encore retenue... « Il y a un lobbying énorme des fabricants qui n'ont pas du tout envie qu'on vienne les contrôler. En leur laissant la main, Cahuzac a fait un énorme cadeau à Philip Morris, qui veut imposer son système Codentify. Or Philip Morris a pour cabinet de conseil August & Debouzy. Le hasard fait bien les choses, Gilles August est aussi l'avocat de Cahuzac. Tout de suite les soupçons de conflits d'intérêts se profilent...


Amitié de cigarettiers

Les cigarettiers s'y entendent pour entretenir l'amitié. En mai, la moitié des conseillers de Manuel Valls et de Pierre Moscovici ont été invités par British American Tobacco (le fabricant de Lucky Strike et de Dunhill) dans une loge privée à Roland-Garros. L'histoire a fait un tabac, d'autant qu'un autre invité avait pris place dans la tribune, entre petits-fours et rafraîchissement : Henri Havard, le numéro 2 des douanes. Le 28 mai encore, les fumeurs de havane Patrick Balkany, André Santini et une équipe de députés étaient immortalisés par les caméras de France 3 en train de se taper un bon restau avec une note à 10 000 euros au frais de British Tobacco. Et leur convive était Galdéric Sabatier, le numéro 3 des douanes. L'affaire n'a pas coûté trop cher à nos ripailleurs. Dans une note de service datée du 1er juillet, la directrice générale des Douanes informe ses équipes : le numéro 3 Galdéric Sabatier, sera désormais « chargé de mission » auprès de son propre bras droit. « C'est un placard, mais c'est encore trop gentil selon un douanier expérimenté. Quand il y a un soupçon pareil de conflit d'intérêts, les collègues sont normalement suspendus, avec enquête disciplinaire. ». Pas d'inquiétude pour le numéro 2 Henri Havard, toujours à son poste, qui sera simplement « déplacé » en septembre.

samedi 20 avril 2013

Faites vos jeux... Rien ne va plus



Pendant dix ans, l'Europe ne s'était pas aperçus que l'île était devenue une “économie casino”.


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Ces propos, tenus en privé par Martin Schulz, le président du parlement européen, expose bien la foire bruxelloise de ces dernières semaines.
Qui est responsible de ces dix jours decafouillage chypriote ?. Pour une fois, les dirigeants des autres pays de la zone euro sont d'accord : c'est le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, tout nouveau patron de l'Euro-groupe, qui réunit les ministres des Finances des 17 pays de l'Union monétaire. Le 15 mars, M.Dijsselbloem a fait adopter à grande vitesse le premier plan. En échange d'une aide de 7 milliards, le texte prévoyait une taxation de tous les dépôts bancaires chypriotes au taux de 6,75% en deçà de 100 000 euros et de 9,9% au-delà. Un plan que le président chypriote Nicos Anastasiades, a fait semblant d'accepter, en sachant parfaitement que son parlement le refuserait.
Du coup, lors des négociations autour du second plan, Dijsselbloem a été mis à l'écart. Les réunions ont été menées par la patronne du FMI, Christine Lagarde, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, et Olli Rehn de la commission européenne. Une troïka qui, une fois son plan accepté par Chypre, l'a fait avaliser en pleine nuit, par les ministres de l'Euro-groupe. Sans doute blessé d'avoir ainsi été poussé en touche, le ministre hollandais a tenu à se mettre en avant dès le lendemain. Dans une interview au “Financial Times”, il a affirmé que Chypre représentait “un nouveau modèle” pour résoudre les crises bancaires en Europe. Effet de causalité immédiat : les valeurs financiaires s'effondraient alors que des bruits de couloirs sur une possible dégradation de la note de l'Italie contribuaient à aggraver la panique. Le ministre espagnol des Finances, Luis Guindos, s'y mettait à son tour, en expliquant qu'en cas d'échec du plan chypriote il pouvait y avoir “contagion” de la crise à d'autres pays de la zone euro. Faire porter le chapeau à ce ministre “novice” pour reprendre un qualificatif de Pierre Moscovici, présente un autre avantage : passer sous silence les responsabilités de la Commission européenne, de la BCE et de l'Euro-groupe dans le naufrage financier de Chypre. Ce n'est pas en une semaine que l'île s'est transformée en un paradis fiscal où sont réfugiés des capitaux mafieux.
Les européens, sous l'impulsion des Allemands, ont en tout cas atteint un premier objectif : ils ont rayé de la carte la place financière chypriote, où les dépôts bancaires atteignaient huit fois le PIB de l'île. Mais Chypre n'est pas seul en Europe. Comme le fait remarquer Hubert Faustmann (Le Monde 26/03), professeur à l'université de Nicosie : << de nombreux autres pays ont un secteur bancaire hypertrophié et fiscalement avantageux, comme l'Irlande, Malte, les Pays-Bas ou le Luxembourg, dont les banques possèdent vingt fois le PIB >>. mais il y a une différence importante : pendant près de quatorze ans, l'Euro-groupe a été présidé par Jean-Claude Juncker, le Premier ministre du Luxembourg. La morale financière était donc hautement garantie, et personne n'a encore eu l'idée de taxer les dépôts bancaires du Grand-Duché.


Les oligarques russes défendent leur machine à laver

Dans leur folie taxatrice, les autorités européenne ont notamment épargné deux banques bien particulières.
La première, Hellenic Bank, troisième banque de l'île, appartient à l'Eglise orthodoxe chypriote. Cette sainte institution est aussi le principale actionnaire du premier producteur de bière. La seconde, VTB, est une banque russe, semi-publique, qui gère les fonds des nombreuses sociétés proches du Kremlin. En s'installant à Nicosie, celles-ci ont pu bénéficier d'une fiscalité agréable et d'un laxisme important sur l'origine de leurs liquidités.
Le président Poutine et son premier ministre Medvedev, après avoir exprimé leur colère au lendemain de l'annonce du premier plan, ont depuis mis de l'eau dans leur vodka. Dès lundi matin, une fois connus les détails du second plan, la Russie a fait savoir qu'elle était prête à assouplir les conditions du prêt de 2,5 milliards d'euros qu'elle a accordé, il y a deux ans à Chypre. Tout en accompagnant cette déclaration du souhait de rapatrier ses capitaux baladeurs du côté de la Moskova. Ce qui n'est problablement pas demain la veille. Car malgré le sévère plan de rigeur imposé à l'île, Chypre restera un sympathique paradis fiscal : le taux de l'impôt sur les sociétés n'augmentera que de 2,5% pour atteindre 12,5%. En France, il s'élève à près de 35%. preuve que l'Europe fiscale avance aussi vite que l'Europe bancaire et monétaire.