De Marseille à Paris, et
de flics à magistrats, l'avis est unanime : l'affaire de la BAC
(Brigade Anticriminalité) nord ne fait que commencer. Si une
demi-douzaine de policiers sont écroués, une trentaine d'autres
sont soupçonnés de détournement de scellés, de racket, de vol de
bijoux, d'argent et de produits stupéfiants. Certains d'entre eux
auront même à répondre de corruption. Et peut-être d'homicide
pour les mêmes et/ou d'autres encore. « Ce n'est pas
impossible », reconnaissent plusieurs sources proches de
l'enquête, qui ajoutent aussitôt : « Nous n'en sommes
pas là ». Pas encore...
Mais l'IGPN (Inspection
Général de la Police Nationale) va chercher à savoir si les ripoux
n'auraient pas désigné à des bandes rivales certains dealers comme
des informateurs de la police. Sur les 20 règlements de comptes
entre trafiquants marseillais (20 morts en 2012), deux au moins
intéressent les enquêteurs de l'IGPN. L'un a eu lieu cet été à
Aix-en-Provence, l'autre au printemps dans les quartiers nord de la
cité phocéenne. Le mode opératoire était identique : une
rafale de kalachnikov. Une manière radicale et devenue courante
d'éliminer les présumés bavards.
L'enquête l'a d'ores et
déjà démontré : les policiers de la BAC nord sont impliqués
dans l'essor de l'économie souterraine à Marseille, contre laquelle
ils étaient sensés lutter. Des habitants d'une cité d'un quartier
nord se sont adressés, au printemps dernier, auprès du préfet
délégué à la sécurité, Alain Gardière. Ils avaient observé
des allées et venues de voitures de police banalisées au bas des
immeubles. Mais leurs occupants, plutôt que d'arrêter les
trafiquants, venaient juste récupérer leur dîme. Le préfet
Gardière a transmis l'information au responsable local de l'IGPN.
Des micros ont alors été placés dans les véhicules d'intervention
et dans les bureaux de la BAC nord. Très méfiants à l'égard du
téléphone, les ripoux parlaient librement en voiture et au
vestiaire. « Ces écoutes sont accablantes », assure
Jacques Dallest, le procureur de la République.
Le 8 octobre, le
ministre de l'intérieur, Manuel valls, a prié Gardère de lui
rendre visite. Il tenait à savoir « qui était au courant, et
jusqu'à quel niveau la hiérarchie policière est impliquée ».
on peut le comprendre : il vient de recruter Pascal Lalle comme
directeur central de la Sécurité publique. Il y a peu encore, le
même Lalle dirigeait les BAC des Bouches-du-Rhône. « Lalle ne
savait rien », assure un haut fonctionnaire en poste à
Marseille. « les bacqueux n'étaient ni dirigés ni surveillés.
Ni par lui, ni par un autre. Ils fonctionnaient en totale
autonomie. » « Certains d'entre eux étaient en poste
depuis plus de quinze ans et bloquaient toutes démarches ou
propositions d'évolution de carrière. Comme s'ils étaient liés à
la BAC nord par un bail commercial. Lorsqu'on leur suggérait d'aller
voir ailleurs, ils répondaient qu'ils étaient la mémoire du
service, aussi indispensable qu'irremplaçables. Et la hiérarchie
s'écrasait ».
Et ce d'autant que la
BAC nord savait donner le change. Lorsque la pression
politico-médiatique était trop forte pour détourner l'attention,
ils faisaient un joli coup de filet. Comme débusquer une miraculeuse
planque de kalachnikovs. Lorsque la pression retombait, ils
retournaient à leurs petites affaires.
Les ripoux se faisaient
« autour de 1 000 euros par mois, estime un enquêteur. « Sur
écoute, on n'a un mec qui, arrivant le matin au bureau, raconte
s'être fait engueuler par sa femme : le congélateur familial
était foutue. Les collègues lui disent : Ben tiens ! Tape
1 000 euros dans la caisse ». C'est aussi simple que ça.
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