mardi 27 octobre 2009

Les acteurs du procès Clearstream n’était pas au complet

Quatre témoins essentiels « oubliés ». Point commun : ils risquaient de mettre en cause Chirac.


Premier grand absent, Claude Guéant. Le secrétaire générale de l’Elysée a pourtant affirmé connaître les auteurs de la manipulation. Et, il n’y a pas si longtemps, il accusait Chirac d’en être le cerveau.
Fin 2004, puis à nouveau le 28 février 2005, Sarkozy et Guéant convoquent Yves Bertrand, ex-patron des RG. Ils lui disent savoir que c’est lui, le maitre d’œuvre des fichiers truqués. Aidé, précisent-ils, de Philippe Massoni, un chiraquien pur jus chargé des questions de sécurité à l’Elysée. Yves Bertrand raconte cet épisode dans une note remise à Villepin en mars 2005 : Sarkozy « tenait des propos à la limite de la menace visant (…) certains membres de l’entourage du président de la République qu’il soupçonne de complot monté contre lui ». Comment Guéant qui a confirmé la réalité de ces rencontres, peut-il être aussi affirmatif ? Sur quelles informations se fonde-t-il ? Ces questions n’intéressent pas le tribunal.
Autre absent de marque, Laurent Le Mesle, aujourd’hui procureur général de Paris. En septembre 2007, Villepin livre cette information stupéfiante, dans une note aux juges d’Huy et Pons : en juillet 2004, il a participé, à l’Elysée, à une réunion consacrée à l’affaire Clearstream avec Chirac et Le Mesle, son ancien conseiller pour la justice, devenu ensuite directeur de cabinet du garde des Sceaux. Selon Villepin, Le Mesle a vivement recommandé de ne pas informer le juge Van Ruymbeke des éléments réunis lors de l’enquête du général Philippe Rondot. Notamment de ses sérieux doutes sur l’authenticité des listings. Etrange conseil venant d’un haut magistrat tout de même.
Villepin réitère ses accusations à plusieurs reprises, et propose même aux juges d’être confronté à Le Mesle. Cette rencontre ne sera jamais organisée. Si Villepin dit la vérité, Le Mesle serait pourtant susceptible d’être renvoyé avec lui devant le tribunal, pour ne pas avoir informé le juge Van Ruymbeke de ce léger détail. On lui demandait d’enquêter sur la base d’une dénonciation calomnieuse. Chirac serait d’ailleurs lui aussi « complice » pour avoir donné l’ordre à Villepin de se taire. C’est peut-être pourquoi cet épisode n’intéresse personne.
Autres figures de choix au cercle des témoins disparus, Michèle Alliot-Marie à l’époque ministre de la Défense, et son directeur de cabinet, Philippe Marland. Eux aussi savaient, grâce aux investigations de Rondot, que les listings étaient truqués. Et eux aussi se sont tus, comme l’a rappelé Villepin à la conclusion des débats.
Tout commence par une grosse colère de MAM, le 12 janvier 2004, lorsqu’elle apprend que Villepin a chargé Rondot d’une enquête secrète. Normalement les ordres ne doit venir que de la ministre de la Défense. Rondot se fait passer un sévère savon, au point d’entrer dans une profonde déprime, et pensant à démissionner. Mais, à ce jour, Rondot rend régulièrement compte à MAM de l’avancée de son enquête, via des notes détaillées à son directeur de cabinet, François Marland. Puis le 27 juillet 2004, MAM sait que les listings sont des faux. Et personne ne fait rien pour en informer le juge. Rien non plus pour alerter Sarko de ce qui se trame…
Encore un épisode qui n’intéresse pas le tribunal. Et plus curieux encore, qui ne trouble pas l’une des victimes et partie civile nommée Sarkozy.


Pacte de non-agression

L’affaire Clearstream a donné lieu à d’étonnants échanges d’amabilités entre Sarko et Chirac. Le Président ne cesse ainsi de répéter à son entourage que son prédécesseur « n’a jamais participé à la machination ». Dans les couloirs du procès, l’avocat de Sarkozy, Thierry Herzog, multiplie d’ailleurs les paroles apaisantes pour Chirac. De son côté, l’ancien président s’est abstenu d’accorder le moindre soutien à Villepin. Il l’a même enfoncé. Le 22 juin 2007, un mois après sa sortie de l’Elysée, Chirac faisait ainsi savoir qu’il démentait « catégoriquement avoir demandé la moindre enquête visant des personnalités politiques dont le nom a pu être mentionné ». Cette mise au point, fort mal reçue par l’intéressé, donnait à penser que Villepin avait agi de son propre chef. Depuis, Chirac s’est toujours refusé à livrer d’autre confidence sur le dossier. Ces démonstrations croisées de gentillesse installe un « équilibre de la terreur » entre Chirac et Sarko. D’un côté, Chirac a besoin de Sarko pour régler ses propres problèmes judiciaires. De l’autre, l’ancien président se vante, en privée, de posséder des dossiers très gênants sur les activités passées de son successeur.

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