dimanche 19 avril 2009

Une chasse d'une nouvelle génération est ouverte

Vous sortez du cinéma, vous marchez dans la rue, votre téléphone portable sonne. Une voix vous conseille de vous rendre dans le resto mexicain d’en face. Pourquoi ? Parce que vous avez visité récemment le site internet Wikipédia sur le Mexique, regardé Luis Mariano sur YouTube, et consulter une recette sur les tapas. Autant d’indices qui ont permis à un ordinateur de détecter en vous le « mexicanophile ». Il vous a répertorié et fiché comme tel. Comment le resto d’en face vous a-t-il repéré ?, par satellite, le GPS de votre mobile vous a trahi.

Ce n’est pas de la science-fiction, à peine une légère anticipation. Les défenseurs des libertés s’inquiètent déjà. Jusqu’alors, ils bataillaient seulement pour que les moteurs de recherche ne conservent pas l’historique de vos visites sur le net et ne le transmettent pas à n’importe qui, dans le but d’identifier vos tendances politiques, religieuses ou sexuelles…

Désormais, ils se préoccupent aussi d’empêcher que vous ne serviez de cible commerciale. Car vous êtes de plus en plus surveillé, traqué, utilisé par les grandes puissances de la Toile. Rien ne leur échappe dès lors que vous êtes inscrit pour bénéficier de leurs services gratuits. Eux, en retour, se font payer en vendant les données qu’ils recueillent sur vous.

Les commanditaires de cette longue traque ?, les publicitaires qui espèrent avoir trouvé leur Graal avec le ciblage comportemental. Ils veulent cerner le consommateur au plus près, connaître ses désirs afin de les devancer. Google a annoncé, début mars, le lancement de son offre de pub ciblée qui permet d’adresser un message aux internautes sélectionnés à partir de leur intérêt pour tel produit ou service. Sur Facebook ou Myspace, les annonceurs peuvent choisir leur audience par âges, sexes, lieux et centres d’intérêt.

Aux Etats-Unis, les investissements publicitaires sur ce type de sites ont atteint 1,4 milliard de dollars en 2008, quatre fois plus qu’en 2006, selon eMarketer, un cabinet spécialisé. Ciblée ou non, la pub en ligne pourrait représenter 10% des dépenses publicitaires cette année, et 15% en 2013. A cette date, elle devrait s’élever à 3,3 milliards rien que pour le téléphone. En France, Publicis compte réaliser 25% de ses revenus avec le numérique en 2010.

Cette manne énorme bouscule toutes les barrières. « Les données personnelles sont le nouveau pétrole de l’Internet », s’est inquiétée, le 31 mars, Meglena Kuneva, commissaire européenne à la protection des consommateurs. Elle craint que ne s’impose la loi du plus fort. « Il y a une perte de contrôle des utilisateurs sur les données collectées », s’était déjà plaint Alex Turk, le président de la Cnil, le 12 mars dans le journal les Echos.


Menace virtuelle


Jusqu’à quel degré d’intimité la vente des informations personnelles peut-elle aller ? Votre situation financière, votre état de santé pourraient intéresser bien des entreprises… et entrainer beaucoup de discriminations pour le faible ou le déshérité. Meglena Kuneva a donc adressé une mise en garde aux géants du Net : « Si aucune réponse claire n’est apportée sur nos préoccupations concernant la collecte de données, alors nous agirons ». Mais elle s’est gardée de fixer le moindre ultimatum.

Les internautes restent heureusement leurs meilleurs défenseurs. Quand Facebook a annoncé fin 2007, son intention de livrer aux annonceurs les coordonnées de ses membres, le site a dû reculer devant le tollé… Un précédent qui a fait réfléchir tous les géants du Web, mais ne les a pas fait renoncer à la ruée vers l’or des données personnelles.

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