lundi 12 janvier 2009

Officine qui terrorise des grands patrons

Selon le registre du commerce, Salamandre n’est qu’une minuscule société dont l’activité consiste à prodiguer à ses clients des « conseils » pour les affaires et la gestion. Emploie une poignée de salariés et un chiffre d’affaires plutôt modeste, autant qu’on puisse en juger, puisque ses dirigeants ne déposent plus leurs comptes au registre du commerce depuis 4 ans. Pourtant ce seul nom de Salamandre fait frémir bon nombre de pédégés et dirigeants d’entreprises, et pas n’importe lesquels, on parle là du gratin du CAC 40.
Comment cette étrange officine peut-elle ainsi semer la panique chez nos fiers et puissants capitaines d’industrie? Elle est dirigée par Pierre Sellier qui se fait volontiers passer pour un ancien des services de renseignement, avec lesquels il entretient des relations troubles et suivies. Sa société compte dans son conseil d’administration deux anciens de la DGSE*, François Mermet, ex-directeur général et Michel Lacarrière, ex-directeur du Renseignement.
Et Sellier collabore avec une sorte d’association, Les Arvernes, qui, comme Salamandre, s’est fixé pour tâche de défendre les entreprises touchant à la sécurité nationale française et européenne. Les Arvernes seraient une cinquantaine, pour la plupart des militaires en activité ou à la retraite. Affirmations invérifiables. En revanche, les actions de lobbying, de déstabilisations, les menaces même, sont bien réelles. Voici une histoire récente qui montre de quelle manière Salamandre et Les Arvernes défendent la patrie en danger.


Lundi 8 décembre 2008, la journée commence mal pour Michel Calzaroni. Le « communicant » de quelques-uns des plus grands patrons du CAC 40 vient de recevoir un courriel. Lequel concerne la société Atos, l’une des plus grosses boîtes françaises de services informatiques, pour laquelle « Calza » travaille depuis plusieurs années. Elle est dirigée, depuis un mois par l’ex-ministre de l’Economie Thierry Breton. Ce courrier électronique est un avertissement sans ambiguïté : « Je te recommande à titre amical de te barrer (d’atos) car il va y avoir du sang sur les murs.» Signataire : Pierre Sellier. La réputation du patron de Salamandre est telle que Calzaroni ne rigole pas du tout. « Trop dangereux pour porter plainte » confie-t-il.
A peine nommé en novembre dernier à la tête d’Atos, Thierry Breton reçoit des nouvelles des Arvernes. Par l’intermédiaire de son avocat, l’association a déposé plainte contre X, le 1er décembre, pout « tentative de corruption et abus de biens sociaux » auprès du procureur de Paris. La plainte vise en fait deux fonds américains, Centaurus et Pardus, actionnaires d’Atos à hauteur de 16%. Les Arvernes soupçonnent ces investisseurs sournois de vouloir démanteler le joyau informatique français.
« 60% des transactions par carte bancaire passent par les serveurs d’Atos, explique Pierre Sellier. Ils exploitent les radars automatiques. Ils ont eu le passeport biométrique et auront bientôt la carte d’identité électronique. Nous voulons empêcher que les actifs stratégiques d’Atos quittent la France. Pour cela, il faut virer Breton et mettre un industriel de confiance.» Sellier a d’ailleurs son candidat, « agréée par la Sécurité nationale et par l’Elysée». Lequel change au fil du temps : une fois, il s’agit du responsable informatique d’une grande banque, un autre jour, c’est l’amiral Lanxade de 74 ans, puis Dominique de Villepin. « Nous avons rien à voir avec Sellier », a assuré Claude Guéant secrétaire général de l’Elysée.
De quoi s’interroger. Car la stratégie du patron de Salamandre échappe au sens commun. Il avait d’abord proposé ses services à Atos. Le 31 mars 2008, il écrivait à Philippe Germond, alors patron de la boîte, pour l’aider à « décourager les deux fonds activistes qui manifestement l’embêtent ». Son offre étant restée sans réponse, il propose, le 26 avril 2008, ses bons conseils à l’autre camp, le fonds américains Pardus, qu’il met en garde contre les mensonges des dirigeants d’Atos. Ces vauriens utilisent, assure-t-il un « argument douteux : Atos est un joyau franco-européen dont les fons étrangers tentent de prendre le contrôle », presque mot pour mot la thèse défendue par Sellier lui-même. Comment expliquer ce double jeu ? Par la recherche de nouveaux contrats ? « Dans les deux cas, nous avons agi dans le sens de l’intérêt national.» rajoute Sellier.

* Direction générale de la sécurité extérieure

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