Les
écoutes réalisées hors la loi par des services de l’Etat sont
monnaie courante. Pas vu, pas pris, grâce à une petite merveille de
technologie : l'Imsi-catcher. Le fonctionnement de cette
machine, qui tient dans une valise, repose sur un stratagème
simple : l'appareil devient un vrai relais de téléphonie
mobile et intercepte toutes communications qui sont à sa portée.
Pas besoin de passer par les opérateurs. Aucune trace, aucun
contrôle.
Le
modèle de base ne sert qu'a identifier des numéros de téléphone,
mais les plus perfectionnés (à plusieurs centaines de milliers
d'euros l'unité) permettent de capter SMS, le contenu des
conversations et le trafic Internet. La police judiciaire, les
barbouzes, l'armée, la gendarmerie et les douanes ont droit à
cette valise magique depuis quelques années. Ainsi, la DGSI
(Renseignement intérieur) dispose d'une douzaine d'Imsi-catchers,
dont plusieurs sont pourvus de toutes les options. Leurs
propriétaires ont pris l'habitude de s'en servir à tort et à
travers.
La
Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité
(CNCIS) s'est émue de ces violations de la loi. Dans son dernier
rapport annuel, le président Jean-Marie Delarue, demandait de
manière obscur aux services de bien vouloir « mettre fin à
toute pratique illégale ». Au nom du secret-defense, Delarue a
refusé d'en dire davantage sur ces « pratiques », mais
plusieurs spécialistes des écoutes se sont fait un plaisir de
décrypter ses propos « Bien entendu, ce sont les Imsi-catchers
qui sont visés par le président de la CNCIS. A ma connaissance, la
Commission n'a jamais eu une preuve formelle de leur utilisation
illégale, mais personne n'est dupe. Les services de renseignement
présentent les informations qu'ils ont obtenues de la sorte comme
des tuyaux qui auraient été balancés par de mystérieux
informateurs. »
L'imsi-catcher
n'a jamais été autorisé pour les écoutes administratives, car ce
système est jugé bien plus attentatoire aux libertés qu'une
interception téléphonique classique. Et pour cause : cette
technologie permet non seulement d'écouter un suspect, mais aussi
tous les téléphones utilisés par les personnes qui se trouvent
dans les alentours. Les services du renseignement intérieur
s'assoient pourtant sur cette interdiction. Sans grand risque de se
faire pincer, car la CNCIS ne dispose quasiment d'aucun moyen humain
ou technologique pour contrôler les Imsi-catchers en circulation. La
Commission est d'autant plus désarmée qu'elle ne peut pas réclamer
l'interdiction totale de ces mallettes magiques. Elles servent aussi
légalement dans le cadre des écoutes judiciaires. Et elles rendent
alors, sous le contrôle d'un juge, de précieux services. Par
exemple, ils peuvent aider à retrouver des personnes séquestrées
grâce à la géolocalisation très poussée offerte par cette
technologie.
Petit
bonus amusant, cette technologie donne également la possibilité
d'identifier les « toc », ces « téléphones
occultes » utilisés par certains suspects. Sarko en a fait les
frais en 2013 : c'est un Imsa-catchers qui a permis de découvrir
que l'ancien président se servait d'une ligne téléphonique ouverte
au nom d'un Paul Bismuth...
Par
pragmatisme, certains responsables politiques en sont réduits à
demander la légalisation des écoutes administratives effectuées
grâce à ces bijoux de technologie. Un rapport parlementaire remis
en mai 2013 par les députés Jean-Jacques Urvoas (PS) et Patrice
verchère (UMP) suggérait que leur utilisation reste « très
exceptionnelle » et sois soumise au « contrôle continu
d'une autorité extérieure ». Bien sur, c'est comme si c'était
fait...