La Tunisie en pleine révolution, le clan Alliot-Marie faisait des affaires avec le clan Ben-Ali. L’achat de la totalité des parts d’une société civile immobilière appartenant au milliardaire Aziz Miled.
MAM nous avait déjà bien fait rire avec son histoire dit « du jet-stop ». Pour ceux qui ont oublié, l’ami Aziz Miled passait juste par là avec son avion, un Challenger presque vide sur le tarmac. Il avait proposé de déposer toute la famille à Tabarka, où (nouvelle coïncidence) il se rendait également. Mais la vérité est encore plus amusante. Non seulement, la rencontre entre le puissant homme d’affaires de la nébuleuse Ben Ali et la ministre des Affaires étrangères n’avait rien de fortuit, mais MAM, fille attentionnée, joignait l’utile à l’agréable et accompagnait aussi ses parents en voyage d’affaires.
Car, pendant la révolution et la répression, le business continu c’est connu. Le 30 décembre 2010, Ben Ali, une grosse épine dans le pied, est obligé de remanier son gouvernement. Les « troubles » de plus en plus violents, durent depuis douze jours. Pourtant ce 30 décembre à 11 heures du matin, deux employés de la commune de Tabarka franchissent, à l’abri des regards la porte de l’hôtel Sentido Beach avec, sous le bras, des registres de la mairie sur lesquels sont répertoriées les ventes des biens immobiliers ou de sociétés. Des documents qui ne doivent pas quitter les locaux municipaux. En principe seulement. Mais la transaction qui amène les deux employés doit rester secrète. Et, l’hôtel étant la propriété du milliardaire Aziz Miled, associé du beau-frère et de tous les gendres de Ben Ali, le maire a l’obligation de regarder ailleurs. D’autant que l’opération en cours concerne personnellement le grand patron.
Aziz Miled et son fils Karim sont en effet propriétaires d’une société civile immobilière, Ikram, dans laquelle figurent aussi, comme actionnaires minoritaires avec environ 13% du capital, Bernard Marie et son épouse, les parents de MAM. Ainsi, les liens d’amitié qui unissent les deux familles sont encore renforcés par l’immobilier. Depuis des années, les époux Marie sont en affaires avec Miled, proche de Ben Ali et soutien du régime. Et il n’est pas vraiment question de rupture : les Miled vendent ce jour-là, la totalité de leurs parts de cette SCI à Bernard et Renée Marie, respectivement 94 et 92 ans.
Une opération forcément préparée de longue date. En Tunisie, la cession d’un bien immobilier n’est pas une simple formalité. Surtout quand l’acquéreur est étranger. Il faut impérativement l’accord du gouverneur du secteur, lui-même sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Une procédure qui prend beaucoup de temps, à moins que pour les Marie et leurs vendeurs bien placés, on n’ait un peu brulé les étapes. A l’époque, tout était possible pour les proches du régime. C’est en présence du directeur de l’Hôtel qu’a eu lieu la signature. Pendant que ses parents tendaient leurs passeports français aux deux préposés de la mairie, MAM se trouvait à quelques mètres de là, chez le coiffeur de l’hôtel.
Le montant exact de la transaction n’est pas connu car l’acte reçu par l’employé municipal ne mentionne que la valeur nominale des parts, soit 755 00 dinars, environ 325 000 euros. La somme réellement payée peut être très largement supérieur. Autre zone d’ombre, que détient cette SCI dont les époux Marie deviennent, ce jour-là, les uniques propriétaires ? MAM répond face à cette question (et aux autres) : « Les éventuelles transactions effectuées par mes parents ne me concernent en rien ». Il ne s’agit sans doute pas de « biens mal acquis », juste acquis au plus mauvais moment…