C'est un piège, tout un système, une machination même habilement dissimulée au fond de nos comptes en banque. D'ordinaire, on préfère ne pas aller y voir de près, et c'est tout le mérite d'un documentaire qui est sorti très récemment en salles qui s'y colle pour lever les zones d'ombre de nos comptes (1). L'affaire est simple: même l'argent qui se trouve sur un compte courant modestement alimenté travaille, circule, se ballade dans la « nébuleuse » de la finance mondiale :
« Notre argent se promène et fait tourner le monde dans le mauvais sens, et on ne s'interroge pas assez, on est stupides », remarque Jocelyne Lemaire Darnaud, la réalisatrice. Banques et assureurs, mais aussi caisses de retraite et instituts de placements investissent en effet selon leur bon plaisir, et peu importe dans quoi, du moment que ça rapporte 5% à 10% et quelque fois plus. C'est ainsi qu'on est peut-être pacifiste et financer des industries d'armement, écolo et favoriser la déforestation, altermondialiste et aider au pillage des pays de l'hémisphère sud, salarié et alimenter des fonds de pension qui licencient à tour de bras pour dégager du bénéfice... « Quand j'ai découvert que je confiais mon argent à une banque qui finance les bombes à sous-munitions, j'ai été écœurée », dit la réalisatrice. Que faire ?, quoi penser ?. Depuis quelques années, économistes, syndicalistes, financiers, associatifs s'ingénient à mettre en place des outils permettant d'injecter un peu d'éthique dans le système qui à peu voir pas du tout de place dans le capitalisme ultra-libéral.
Il y a la méthode frontale. L'ecolo Yann Louvel raconte comment Les Amis de la Terre, apprenant que BNP Paribas finançait en Bulgarie une centrale nucléaire en plein dans une zone sismique, ont manifesté, organisé des « cyberpétitions », interpellé les administrateurs lors de la réunion général des actionnaires, etc. Petite victoire mais victoire quand même, la banque a renoncé à financer directement la centrale, mais continue de coordonner le financement...
il y a la méthode oblique, développée par les partisans de l'« investissement socialement responsable », le fameux ISR qui fait désormais fureur. Des organismes spécialisés se chargent de surveiller les entreprises, vérifier qu'elles ne saccagent pas l'environnement, ne nuisent pas aux autochtones, respectent les droits de leurs salariés, ect. ils possèdent le pouvoir de décerner des brevets de plus ou moins bonne conduite, que les investisseurs « éthiques » consultent afin de diriger vers des entreprises « vertueuses ». Sur le papier, l'idée est séduisante. En pratique, c'est autre chose. Par exemple, quand on entend discourir l'ex-syndicaliste Nicole Notat, qui a créé l'agence Vigeo. Non seulement ses analystes ISR ne vont pas sur le terrain et se fient aux informations que leur transmettent aimablement les entreprises (facile d'imaginer le degré de crédibilité), mais au capital de cette agence figurent les géants du CAC 40. Il est vrai que se voir décerner des brevets de bonne conduite par des agences peu curieuses, c'est bon pour l'image, par conséquent pour le business. « Là où l'ISR s'installe, commente l'économiste Thomas Lamarche, c'est là où ça ne dérange pas trop. »
On n'a pas fini de « moraliser le capitalisme »...
(1) : Moi, la finance et le développement durable (Date de sortie cinéma : 29 septembre 2010 )
Site officiel : http://www.financedurable-lefilm.com/