Le niveau de vie actuel des pays du Nord n’est permis que par le pillage en règle des pays du Sud. Cette situation d’exploitation, de colonialisme contemporain, est peu connue en dehors des cercles de spécialistes ou de militants, elle est pourtant étayée par de multiples exemples.
Voici trois exemples récents de ce pillage, parmi tant d’autres, qui vont nous aider à comprendre les mécanismes sur lesquels s’appuie la fabrication des objets qui nous entourent :
a) Le coltan (Colombo-Tantale) est un minerai essentiel à la fabrication des téléphones mobiles, dont 80% est fourni par la république du Congo. Un rapport des Nations unis suggère que l’armée rwandaise aurait gagné 250 millions de dollars en moins de 18 mois, grâce au pillage du Congo. De même pour les forces armées de l’Ouganda et du Burundi. Les commandes de minerai passées par les pays du Nord alimentent directement la guerre civile locale. Par ailleurs, les mineurs de coltan sont tous d’anciens fermiers et l’on peut craindre que les savoir-faire agricoles soient perdus et que se pose douloureusement la question du reclassement et de la survie quotidienne de ces populations si cette manne financière occidentale venait à cesser. Enfin, cette exploitation forcenée du Congo n’est pas sans impact sur la survie des gorilles de la région, ce qui finit par apparaître comme un léger dommage par rapport aux horreurs précédentes. Conclusion : nos achats de téléphones portables financent la guerre au Sud.
b) Le pétrole : Sans revenir sur les exemples évidents de la guerre en Irak, voici ce que l’on a pu entendre au procès ELF : « ELF a été crée pour maintenir l’Algérie et les rois nègres dans l’orbite française par le biais du pétrole. Avec les Algériens, ça a capoté. Avec les rois nègres ça se poursuit » explique l’ex-présidant d’ELF au tribunal (juin 2003). Dans Billets d’Afrique, Odile Tobner poursuit : « L’affaire ELF, qui restera dans l’histoire africaine comme une sorte de Watergate avorté, était en fait le symptôme de la maladie qui atteint le cœur de l’Afrique. Partout où il y a une odeur de pétrole, il y a toujours une guerre. Du Soudant au Tchad, au Congo, à l’Angola, en passant par l’Algérie et le Nigeria, les conflits, derrière le masque de l’ethnicisme ou de la religion, n’ont pour enjeu que le contrôle des sites pétrolifères. » Conclusion : Le plein d’essence finance la guerre au Sud.
c) Le nucléaire : En France, nous avons opté pour une soi-disant indépendance énergétique en faisant le pari du nucléaire. Indépendance certes, par rapport au pétrole, mais 100% de l’uranium utilisé dans nos centrales est importé. Une indépendance toute relative, qui s’appuie en fait sur les extractions de minerai du Sud.
Ces exemples illustrent bien la façon dont les économies du Nord sont tributaires de l’exploitation des ressources du Sud. Ils montrent à quel point nos achats créent et entretiennent certaines catastrophes du monde en développement (un dernier exemple, les exportations de bois exotiques en France, dont un quart de commandes publiques sont le premier responsable de la destruction des forêts tropicales de l’Ouest africain).
Un traitement humanitaire d’urgence est parfois la meilleure réponse devant une catastrophe au Sud, mais nombre de crises n’existeraient tout simplement pas si nous mesurions toutes les conséquences de nos achats quotidiens et décidions de les modérer en conséquence. L’humanitaire est une forme de charité, mais celle-ci ne doit pas nous satisfaire. C’est bien une exigence d’égalité, de justice, que nous devons viser. Le préventif (l’égalité, la justice) est toujours préférable au curatif (la charité).